Interview de Yoan FANISE, directeur de DigixArt.

Nous avons eu l’honneur de réaliser une interview de Yoan FANISE, co-fondateur et directeur du studio DigixArt. Ayant participé avec Ubisoft au succès mondial Soldats Inconnus : mémoires de la Grande Guerre, il fonde en 2015 son propre studio. Road 96, 11-11 Memories Retold ou encore Lost in Harmony font partie des œuvres réalisées par ce studio français.

Leur œuvre majeure, Road 96, fut primée à cinq reprises lors des Pégases 2022, cérémonie qui récompense les meilleures productions de l’hexagone en matière de jeu vidéo. Le studio perdure dans le succès avec la sortie du très réussi Road 96 : Mile 0 et il nous paraissait intéressant d’échanger avec l’homme fort du jeu vidéo français actuel.

Air-Gaming : Mile 0 correspond à un point de départ dans une aventure. Quel est votre Mile 0 tant de votre point de vue de joueur, mais également en tant que professionnel du jeu vidéo ?

Yoan Fanise : En tant que Joueur, mon Mile 0 a été Sonic 2, le Noël où nous avons reçu la Megadrive, oui ça ne nous rajeunit pas, c’était une révolution, toutes ces couleurs, cette frénésie, et la possibilité de jouer à deux avec mon frère, un souvenir indélébile.

Et en tant que développeur, il y’a eu le premier départ sur Beyond Good & Evil, le premier jeu auquel j’ai pu contribuer, en tant que Sound designer à l’époque, mais il y’a eu un deuxième départ lorsque j’ai pris en main Valiant Hearts, en écrivant l’histoire, imaginant les séquences, je sortais de ma zone de confort, et le succès qui a suivi m’a donné la confiance pour créer mon propre studio DigixArt en 2015 avec ma compagne Anne-Laure.

Air-Gaming : Après le succès, tant des critiques que des joueurs, ce prequel a été développé rapidement. Au regard de l’histoire et de cet engouement, un nouvel épisode est-il déjà en préparation ?

Yoan Fanise : Après la sortie de Road 96 nous avons voulu garder l’élan que nous avions dans l’équipe, on avait envie de détailler ce qu’avait vécu Zoé avant de prendre la route, et aussi de conclure l’histoire de Kaito. Il y’a tant de choses que nous pourrions raconter dans l’univers de Petria, pour le moment nous prototypons des nouvelles manières de jouer, nous verrons ensuite l’univers qui se mariera le mieux avec nos découvertes. L’innovation est vraiment notre moteur et on sent qu’il y’a encore beaucoup de choses qui n’ont pas encore été tentées dans le genre narratif.


Air-Gaming : Dans Mile 0, on sent que le moteur graphique a été nettement amélioré. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et sur les « contraintes » liées au support switch ?

Yoan Fanise : Sur Road 96 nous avions opté pour la version HDRP de Unity, mais lorsque Nintendo nous a sollicité pour le sortir sur Switch, Unity ne supportait pas ce hardware. Donc nous avons dû, à la hâte, dupliquer tout le projet en 2 versions, cela n’a pas été facile et le résultat a été assez différent entre ces deux versions, nous étions une microéquipe. Forts de cette expérience, nous avons choisi le moteur graphique URP pour Mile 0 qui permet de tourner sur toutes les plates-formes en même temps. Donc tout le talent graphique de l’équipe a pu se concentrer sur une unique version. Nous avons aussi beaucoup appris sur Road, la modélisation et l’animation des personnages ont beaucoup évolué, le prochain sera encore d’un autre niveau.

Air-Gaming :On sent pleinement l’inspiration d’un soft comme Sayonara Wild Hearts pour le côté course frénétique/arcade. Était-ce pour dynamiser le jeu et/ou ajouter un mode « scoring » afin d’augmenter la rejouabilité ?

Yoan Fanise : Au départ, c’était un hommage à Lost in Harmony, le premier jeu du studio qui offrait des « rides » musicales et qui a d’ailleurs inspiré les créateurs de Sayonara qui ont réalisé un vrai bijou. Ce jeu est magnifique et effectivement nous avons à notre tour de nous en inspirer, tout en gardant le cœur du gameplay propre à Road 96 dans les parties narratives. Pour la rejouabilité effectivement c’est un grand plus, les scores de bord sur Steam nous montrent que les joueurs rejouent énormément aux rides.

Air-Gaming : Dans Mile 0, on parle davantage de castes sociales, de hiérarchie voire même de racisme. Est-ce que cela était un point que vous souhaitiez étoffer ?

Yoan Fanise : Oui Mile 0 va au-delà de l’aspect politique de son grand frère, il aborde des thèmes de société plus divers, très importants pour nous. À DigixArt chaque jeu doit avoir un niveau de « meaning » un peu plus profond, quelque chose qui va au-delà de l’entertainment. C’est cette chose qui me fait me lever le matin, tenter de contribuer à sensibiliser les joueurs à des thèmes qu’ils n’abordent pas forcément dans leur vie, créer des situations fictives qui leur font se poser des questions.

Air-Gaming : Kaito et Zoé ont une « relation » ambivalente ou le joueur est constamment perdu entre deux idéologies, mais également différents comportements (amour/amitié/haine). Comment l’équipe a-t-elle fait pour réaliser une telle tension de bout en bout ?

Yoan Fanise : Nous voulions éviter une histoire d’ados à l’eau de rose, une amourette qui aurait été un peu superficielle, les deux ont un passé compliqué avec chacun ses traumas, plus lointain pour Zoé et plus proche et intense pour Kaito avec la mort de son ancienne copine 2 ans auparavant. Et leur faire rouvrir ces traumas dans un lieu et une vie plutôt confortable crée un contraste intéressant. Tout est contraste dans Mile 0, contraste de leurs histoires passées, de richesses, de point de vue sur le pays, et ce sont ces points de vue que le joueur manipule, oriente jusqu’à en découvrir les nombreuses conséquences. On peut se demander la nature de leurs sentiments, mais c’est surtout leur intensité qui comptait pour moi.

Air-Gaming : Mile 0 sent bon les années 80-90. On y retrouve pléthore de références (la/le Game Boy sur le bureau de Zoé, La session envoie des journaux de Zoé à la manière d’un Pokemon Snap), des musiques avec pleins de synthés et une ambiance très « vintage ». Pouvons-nous en déduire que la majorité des membres de l’équipe sont des quadras  ? Quelles ont été vos références en matière de graphismes/références ?

Yoan Fanise : C’est drôle, car nous ne sommes que 2 quadras dans l’équipe, mais c’est étonnant de voir à quel point cette époque est appréciée et fantasmée chez les moins de trente ans. La série Stranger Things a été le révélateur de cet amour pour une période qu’on aurait pu redouter comme devenu ringard. Nous avons des « boards » regorgeant de références photos des années 90s, surtout orientées par les UKs ; les Spice Girls, ces couleurs sans limites. C’est pour cela que nous avons créé les Little TyraX un « boys band » à l’image de ceux qui inondaient les ondes radio dans ma jeunesse.

Air-Gaming : On sent que l’équipe s’est davantage lâchée à travers différentes séquences (le « VS Fighting » entre Zoé et Kaito, la distribution des journaux, le puissance 4,etc.). Quel a été votre moteur pour rendre le jeu plus dynamique et varié ?

Yoan Fanise : Oui nous ne nous sommes donnés aucune limite créative, surtout pour les « rides » qui devaient concrétiser « audiovisuellement » des émotions, des souvenirs, des pensées parfois très intenses. Et puis si, en tant que petit studio de taille indépendante, on se met des barrières, je pense que peu d’expériences folles verraient le jour. C’est notre devoir de rester fous dans notre créativité, de chercher d’autres horizons, d’autres émotions. Nous fonctionnons beaucoup avec nos étiquettes d’émotions, théorisés par Plutchik, et c’est un challenge de se dire comment nous pourrions faire ressentir une émotion que nous n’avons jamais vécu dans un jeu vidéo.

Air-Gaming : Dans Mile 0, on retrouve beaucoup de personnages que nous avons aimés dans le jeu initial. Pourrions-nous espérer un épisode spécial des grands absents que sont Mitch et Stan ?

Yoan Fanise : Nous aurions aimé les remettre tous, surtout Stan Mitch et Jarod que les fans adorent, mais pour une expérience plus courte il fallait choisir, ils méritent effectivement presque un jeu chacun. C’est noté sur mon carnet d’idées.

Je remercie vivement Yoan FANISE qui a répondu à nos nombreuses questions malgré un planning plus que chargé. On y retrouve tout son amour du jeu vidéo et je vous invite à le suivre sur ses réseaux sociaux afin de vous tenir informé de l’actualité de ce studio français aux productions de qualité.

Par VTG

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