Durant la Gamescom toute l’équipe de Air-Gaming (c’est a dire Manoloben et moi-même) a eu la chance de rencontrer les développeurs de Lost Records: Bloom & Rage dont a fait la review ici même . Cette présentation c’est faite chez l’éditeur Dont Nod dans la zone business, bien au calme dans une petite pièce très joliment aménagée aux couleurs des années 1990. Les réponses ont été effectuées par de multiples intervenants de l’équipe de développement. Pour des raisons pratiques de lecture, nous avons associé leurs réponses puisque bien souvent elles se complètent l’une et l’autre.

Était notamment présent de Don’t Nod Montréal : Michel Koch – Creative Director ; Jean-Luc Cano – Lead narrative designer; Luc Baghadoust – Studio executive producer

Kuk : Alors ma première question est un peu celle qu’on va retrouver dans les réseaux sociaux en mode troll : pourquoi avoir choisi d’incarner une jeune fille geek « boulotte » et mal dans sa peau ?

Don’t Nod : Pourquoi pas au final ? Je vais répondre à la question en plus large. Ce que nous avons voulu faire avec tous les personnages du jeu, c’est vraiment représenté ce qui nous paraît être la réalité. La réalité des personnes qu’on côtoyait au lycée, les vraies gens, celle qu’on a sur nos photos de classe. On trouvait intéressant de les incarner. Et justement Swann c’est justement un bon lien pour les joueurs / les joueuses de se retrouver dans un personnage qui est un peu introverti, qui va découvre une vision un peu différente sur le monde, intégré un groupe d’amis en ayant d’ailleurs un peu de mal justement du fait de sa personnalité, essayé de plaire ou au contraire de ne pas plaire.

K : Alors justement dans ces choix, où on a des réponses amicales ou un peu plus cassantes qu’elle est l’impacte de ses choix ?

DN : La thématique du jeu c’est vraiment de tourner autour de l’amitié. La réalité c’est comment on se comporte au sein d’un groupe. Plutôt en retrait ? Plutôt en leader / moteur ? Ça passe par les interventions, les interactions, la manière de se comporter avec les autres. Est-ce que dans le groupe tu as plus d’affinité avec une personne plutôt qu’une autre ? Es-tu plus cassant ou bienveillant ? Tout cela va modifier les relations que tu vas avoir avec les autres personnages qui sont dans le groupe de filles de ton lycée .

K : Justement qu’elle est l’impacte dans le jeu, est ce que les conséquences arrivent rapidement ou c’est plus sur la fin qu’on verra la différence.

DN : Non, il y aura de vrais impacts dans le jeu, il y aura différentes fins dans le passé et dans le présent et ses fins seront en lien avec les liens tissés avec les personnages. Mais tout cela apparaît au fur et à mesure. Par exemple, au début du jeu (dans la démo que nous avons pu tester), tu as un moment ou tu as deux chemins qui t’oblige à choisir une fille avec qui tu marches et il y a une sorte de récapitulatif de ce tu as fait avant. Comme vous alliez dans les bois pour faire un clip pour votre groupe de musique tu les as mis dans des situations ou elles n’étaient pas spécialement à l’aise, et donc quand vous êtes seules elle revient dessus. Donc on essaye au maximum de jouer sur tes choix. Tout ça continue aussi dans l’histoire, du passé et celle du présent. Après on parle d’un groupe d’amis donc on n’en fait pas non plus des ennemis, mais les liens seront plus ou moins fort, de justes potes à amies intimes.

K : Et donc il y a une question de chois, on ne peut pas être amis avec tout le monde ?

DN : Alors tu seras ami avec tout le monde, mais effectivement ça sera plus ou moins marqué. Et il faudra bien sûr faire des choix, par exemple a un moment on ne demande qui a été la meilleure actrice donc la il faut faire un choix ce qui crée des liens plus forts. Et au fur et à mesure du jeu il y a aura de vrai impact. On retrouve ses éléments dans les phases dans le présent qui sont directement impactés par les choix qu’on a réalisés dans le passé.

K : Pour le coup vous avez pensé ces différences comme un moyen d’une rejouabilité pour votre jeu ?

DN : Les jeux qu’on fait ont naturellement une replay value. Parce que comme on l’a déjà dit, il y a plusieurs fins, des modifications et des changements qui s’opèrent à court, moyen et long terme. Donc il y a un intérêt à refaire le jeu pour voir des scènes qu’on n’a pas pu pouvoir, ou la conséquence de certains dialogues. Après on trouve ainsi qu’on peut rester sur tes choix et rester sur ton histoire, celle qui te convient et que tu as voulu vivre. La replay value est effectivement forte, mais c’est quand même au joueur de décidé si c’est intéressant de le refaire ou pas.

K : Du coup, aller vous avez inciter les joueurs a refaire le jeu en y intégrant des succès a débloqué genre des images ou des vidéos ?

DN : On voit effectivement plusieurs éléments différents. Le système de collection est un peu différent, puisqu’il propose d’enregistrer avec les Caméscopes certains éléments. Au début, ce sont les paysages et les animaux de sa région. Mais au fur et à mesure on s’intéresse aux trois autres filles, Autumn, Nora et Kat etc. Donc effectivement il y a toutes les chances qu’il t’en manque. Refaire le jeu permet de compléter cette collection, et quand elle est finie, tu débloques une vidéo exacte avec des plans que tu peux modifier et une voix off de Swann par-dessus qui commente le documentaire et qui apporte plus de renseignements sur l’univers.

Dans le replay value on peut aussi mieux se rendre compte de certains éléments du scénario qu’on n’aurait peu être pas noté. On a d’ailleurs la possibilité de reprendre des séquences notamment pour parvenir aux collections complètes sans revenir sur l’histoire ou sinon si on reprend en mode story on efface l’histoire.

K : Et est ce qu’on peut définir le type de jeu sur lequel vous vous êtes, orienté, plutôt aventure, expérience ?

DN : Un jeu d’aventure narratif contemporain et fantastique

K : On aime le côté fantastique

DN : Oui tout ça apparaît assez vite, il s’est passé quelque chose il y a 27 ans. Vous avez fait la promesse de ne plus vous revoir. On a oublié évidemment beaucoup de choses depuis ce temps. Par contre, vous avez reçu ce paquet avec le nom du groupe de musique. Donc qu’est-ce que c’est ? il faut qu’on se revoie pour qu’on en parle. Ça pose une ambiance un peu mystérieuse . Et donc après on voit une force un peu mystique. Une de nos références dans ce jeu, c’est la série Twinpeaks, c’est notre genre de fantastique et non comme la série Heroes par exemple. On est sur un fantastique mystérieux.

K : Il est compliqué de parler d’un jeu quand on a seulement testé le premier chapitre, mais ce que j’ai vu, réussit un très beau traitement des personnages: leurs problèmes, leurs mal-être, leurs personnalités, tout cela sans pathos. Mais en le faisant, je me suis posé la question du rythme. Parce que pour ça, pour mettre à nue des personnages crédibles, il faut aussi un peu de lenteur dans la narration. Or qu’elle est pour vous la difficulté de conception de cette narration lente, qui permet cet éclairage presque humaniste, mais dans lequel on doit aussi créer une certaine tension qui donne envie de jouer et d’aller plus loin ?

DN : La difficulté est là. Pour les joueurs qui veulent aller très vite. Il faut qu’ils aient axé à l’essentiel des informations : sur les personnages, ce qui les motive, ce qui les fait bouger, leurs problèmes intérieurs leurs conflits, etc. Mais on doit aussi regarder ceux qui vont chercher fouiller, prendre le temps de tout regarder de tout explorer. La difficulté est vraiment de satisfaire les deux types de joueurs. Pour la motivation, il y a aussi ce mystère du colis qui apparaît. La réunion forcée dans ce bar, qui crée une tension pour savoir ce qu’il y a dedans. On a quand même une volonté dès le départ du jeu d’avoir un maximum d’intervention dans les interactions. On peut sortir le Caméscope à tout moment, interrompre un dialogue, regarder les objets. On ne suit pas juste des gens qui parlent et de temps en temps tu réponds à une question. Il y a cette volonté de participer et ressentir les scènes au niveau des interactions.

Après c’est une question intéressante surtout aujourd’hui au niveau de la gratification instantanée. Certains joueurs veulent lancer le jeu et avoir un truc qui se passe dans les 10min. C’est surs que nous ont espéré aussi touchés les gens qui s’intéresse au cinéma d’auteur, les jeux plus contemplatifs, poser une ambiance, poser une narration. On a effectivement le risque de ne pas attirer les joueurs de Fornite… C’est un vrai challenge, parce que même pour notre public, on a travaillé ce côté : j’ai toujours quelque chose a faire et je suis actif parce qu’on sait qu’aujourd’hui il est difficile de capter l’attention même pour notre public des jeux narratifs. Même Life is Strange 1&2 est un peu plus passif, on déplace le personnage et on enclenche un dialogue. J’aime toujours ce genre de jeu, mais en tant que développeur, on doit renouveler notre offre et s’adapter aussi aux attentes des joueurs.

K : C’est vrai que la caméra apporte une vraie proposition sinon de gameplay du moins d’immersion.

DN : Oui on a voulu rendre le gameplay très accessible. On y a réfléchi au début du projet. Devons-nous aller dans une proposition type Pokemon Snap où on doit bien cadrer, bien centré. On c’est dit qu’on voulait aussi rendre hommage aux années 1990, où on fait des filmes amateurs, avec des cadrages décentrés, car on trouve ça cool. Donc si on doit filmer un personnage si je fais un gros plan sur son genou et bien ça fonctionne et le jeu considère que je l’ai bien filmé. Il n’y a pas besoin de le cadrer en entier.
On n’est pas dans une proposition ou on doit réaliser comme vous avez décidé, mais on a une vraie latitude de réalisation.
Exactement, et pour toute la partie de l’audience qui adore les genoux ils pourront assouvir leur passion (rires)… d’ailleurs on le voyait entre nous on ne réalisait pas les choses de la même manière. Comme toutes les plateformes maintenant ont des systèmes de partages, que dans le jeu on puisse revoir tout ce qu’on a enregistré, on espère que ça va inciter les joueurs et les joueuses à partager leurs vidéos.

K : Avez-vous intégré des Puzzles ou des éléments de réflexions ?

DN : On a effectivement des Puzzle Light. Dans la démo que vous avez testée on est plus dans l’usage de la caméra, filmé ses amies, documentés sa vie et ses passions, etc. Mais un peu plus tard dans le jeu la caméra deviendra un outil narratif. C’est avez lui qu’elle se connecte avec les filles, quand on filme les gens vont interagir et ça peut lancer des dialogues, mais au fur et à mesure il va aussi servir a résoudre des situations de puzzle, en combinant la lampe de poche, le zoom, essayer de trouver un objet comme on va le récupérer. On essaye d’avoir des Puzzle Light, voilà c’est pas Monkey Island, donc ce n’est pas compliqué. On va avoir des puzzles qui tourne autour des dialogues trouver les bonnes réponses, sortir de situation par le dialogue.

Manoloben : Comment vous avez évité ce que l’on retrouve dans les jeux a choix, que le choix n’apporte n’apporte pas grande différence ? Je vais vous donner un exemple avec le Batman de Telltale. Je l’ai adoré, mais ce sont les mêmes scènes avec des personnages différents.

Oui ça tu le découvres quand tu refais le jeu. C’est un peu comme dans Until Dawn, les personnages peuvent mourir à des moments précis, et c’est pareil dans leur QTE. J’ai même fait l’expérience sur un QTE de 10 choix, un seul enclenche la réussite ou la défaite et ça quand tu le découvres ça casse tout, c’est très dur. Donc nous on ne fait pas de QTE (rire). Ce n’est pas un simulateur de vie avec une multitude d’embranchements. Tu dois raconter une histoire qui est bien qui donne accès à plusieurs fins présentes et passées, mais il y a aussi l’expérience qui doit être différente, ce n’est pas seulement une ligne de texte, c’est aussi une relation une sensation qui doit être différente avec un personnage.

Nous on trouve que les branches c’est bien, mais on ne croit pas à plein de branches tout le temps, car c’est impossible a tenir en production. Et si tu fais trop de faux choix important tu te retrouves comme ce que tu disais avec le Batman tu te retrouves avec un personnage en arrière-plan ou il est la ou pas la. Ça peut marcher, ce n’est pas inintéressant, mais ce qu’on trouve fort ce sont les conséquences immédiates. Si tu as l’impression que les personnages sont vraiment différents au moment de tes choix et de la scène, par exemple dans la cave du groupe de copine on a mis un choix tout bête, Swann doit s’asseoir ou devant ou derrière. Ça n’apporte pas de conséquence a très long terme, par contre il change assez vite les dialogues. Si tu t’assois devant, elle fait tomber des trucs donc elle est assez gênée. Si tu t’assois en retrait sur la glacière il y aura d’autres dialogues un peu différents, genre j’osais pas, je me mets en retrais, etc., donc on essaye de changer la perception et le feeling sur les personnages plus que sur les choix. Ce n’est pas parce que tu t’es assis sur la glacière qu’il va y avoir une conséquence à très long terme, mais la cessation quand tu fais ton choix on pense que c’est quelque chose de très important parce que c’est immédiat.

On a eu des remarques sur le choix final de Life is Strange 1, [je ne retranscris pas la fin volontairement pour ne pas vous gâcher la découverte] en disant que ça revenait au même. Mais en fait tu as vécu quelque chose , une histoire différente qui restera dans ta mémoire. On a vraiment travaillé avec la même approche entre Life is Strange et Lost Records, ce qui compte beaucoup c’est comment tu t’appropries toi-même ta relation au personnage, par ces choix de dialogues qui crée des variations sur le moment, sur ce que les gens disent, etc., et donc même si on a nos compteurs de relations, ce qui compte aussi, ce n’est pas de dire Swann elle est la plus proche de Kat, on espère que si c’est ça c’est parce que le joueur et le plus proche d’elle. C’est plus important ce que l’on a fait vivre au joueur ou a la joueuse, pour être plus proche des personnages, plutôt qu’une jauge qui te dit que tu es proche, mais en fait tu n’as pas cette impression. Durant ta partie tu ne sais ce que peuvent faire les autres choix ou les autres fins. Donc pour nous plus tu es à fond dans ta partie, plus tu es content, plus tu vie ta propre expérience.

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Par Kuk