[GamesCom] Gerda: A Flame in Winter, l’interview des développeurs

Gerda: A Flame in Winter, l’interview de

Shalev Moran | Lead Game Designer
Hans von Knut Skovfoged | CEO & Creative Director

Gerda : A flame in Winter, est un jeu d’aventure narratif réalisé par le studio Danois PortaPlay et édité par Don’t Nod. Vous incarnez Gerda Larsen, une jeune infirmière, dans le petit village danois de Tinglev, durant l’occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale.

Nous avions rendez-vous à la Gamescom sur le petit stand de Don’t Nod avec deux représentants du studio danois :

Air-Gaming : Vous précisez que le jeu est « inspiré de faits réels », qu’elle est justement cette part de vérité ?

Hans: en fait l’histoire réelle est celle de cette région, de ce village qui est un véritable nœud ferroviaire et qui transportait de la nourriture et des armes du Danemark vers l’Allemagne, et qui accueillait également des réfugiés allemands venus de l’est.

Air-Gaming :Donc si on veut être exacte, les personnages en eux-mêmes n’ont pas excité, en tant que tels, mais toute la problématique de la région danoise sous occupation allemande est réelle ?

Hans: oui tout à fait, ce village à la frontière allemande existe bel et bien.

Shalev: toutes les localités ainsi que certains bâtiments dans le jeu sont bien réels. Nous avons d’ailleurs pris de nombreuses photos des bâtiments .

Hans : le sabotage de la gare qui est mentionnée dans le jeu par exemple a bel et bien eu lieu

Air-Gaming :C’est la même chose pour certains événements retranscrits dans le jeu ? Comme l’usine qui a été dynamitée au tout début du jeu ? Qu’en est-il des personnages en eux même ?

Hans: en fait l’usine a elle aussi bien existé, mais pas dans cette ville. On a aussi voulu montrer cette réalité de gens qui ont collaboré avec les Allemands, et qui se sont enrichis, et qui ont bien vécu la période d’occupation.

Shalev: le point important c’est que les grands-parents de Hans ont été dans la résistance . Guerda, l’héroïne du jeu, n’est pas un fac-similé de sa grand-mère, mais on s’en est vraiment inspiré. Son grand-père a bien été arrêté par la Gestapo, il a bien été envoyé dans un camp de concentration. Sa femme, la grand-mère de Hans, est rentrée dans la résistance et a dû faire face à des dilemmes similaires ou des situations similaires. Ce ne sont pas des situations exactes reprises à l’identique que nous avons reproduites, mais ça a été une source d’inspiration importante. Certains événements ont été exagérés, d’autres au contraire ont été atténués. D’ailleurs, nous n’avons pas tout gardé des actions de sa grand-mère, car certaines étaient trop folles, pour être mise dans le jeu.

Air-Gaming : Des fois la réalité est encore plus impressionnante ou plus fantastique que la fiction, vous pourriez donner un exemple ?

Hans : Ma grand-mère et mon grand-père vivaient tout près de ce village et ils faisaient des activités de résistances dans la région. L’un des actes les plus impressionnants de ma grand-mère était qu’elle a livré des armes, des explosifs et des documents dans un landau. Elle a mis une poupée parce qu’elle n’avait pas d’enfant, puis elle a mis une couverture. Tout en se baladant pour livrer sa cargaison, elle faisait comme si l’enfant dormait et qu’il ne fallait pas le déranger, pour ne pas que quelqu’un regarde à l’intérieur du landau.

Shalev : voilà, cet événement on ne l’a pas repris, parce que si tu le mets dans le jeu, personne ne croirait que cette histoire est vraie. Certaines choses qu’il nous a dites, on n’a pas pu les mettre dans le jeu. Personne n’y aurait cru.

Hans : oui ma grand-mère passait avec son landau devant les soldats allemands des check-points. Ma grand-mère n’était pas contre les soldats allemands de manière individuels, mais elle était contre les forces d’occupation et la répression allemande. C’était l’un des principaux enjeux du titre, essayer de bien retranscrire cette situation en essayer de faire avancé les choses en parlant ou aidant les gens, mais sans utilisé d’armes.

Air-Gaming : Avez-vous quelqu’un qui a spécifiquement travaillé sur l’histoire ? Et qui a été en charge des dialogues ?

Shalev: nous avons deux écrivains à plein temps, évidemment pour un studio qui réalise des histoires narratives, l’écriture est primordiale, avec le level design.

Hans : Ensuite nous avons eu un consultant historique pour nous aider à construire une base de données des événements ou des personnes dans la région. À cette époque nous avons lu des livres et fait beaucoup de recherches pour que le jeu soit le plus proche des faits. Ainsi même s’il s’agit d’une fiction, les types de personnages que l’on croise ont existé. Même chose pour les événements qui sont évoqués, ils se sont bien passés dans la région à cette époque. Nous les avons juste concentrés dans la zone de ce village avec les mêmes protagonistes.

Air-Gaming : Comment avez-vous nourri votre narration, donc vous avez utilisé une partie de l’histoire familiale, et ensuite vous avez utilisé des livres sur la période, ou d’autres témoignages ?

Shalev : un historien a travaillé avec nous, dans notre studio, pendant quelques mois pour créer une grande base de données. Nous avons utilisé les archives familiales de Hans bien sûr, beaucoup de livres, mais nous avons aussi réalisé plusieurs voyages dans la région, notamment un musée mémorial qui a été aménagé dans un ancien camp nazi. Nous avons beaucoup discuté avec l’équipe du musée.
Mais nous en avions besoin également pour prendre des photos des lieux. Non seulement pour le côté narratif, mais aussi pour le côté visuel, pour que nous regardions à quoi ressemblaient la nature et l’architecture dans cette région. On a visité la gare, l’église par exemple et on y a pris beaucoup de photos.

Air-Gaming :Ah, justement ! il y a dans le jeu une base de données qui explique très bien les événements qui se sont passés au Danemark.

Hans: Il y a plein de petite histoire qui essaye de rendre le jeu réel. Par exemple, on a essayé de retranscrire la pénurie, essaye d’obtenir quelque chose quand tu n’as rien. Devez-vous acheter à un criminel ou vous passer d’un objet au risque qu’il vous manque. Ce sont quelques petites histoires qui essayent d’expliquer les épreuves qu’ont traversées ses gens.

[NdR: beaucoup des événements vécus par Gerda, donnent accès à une fiche explicative avec une photo, sur les événements historiques danois. Il y a, comme le décri Hans, une fiche sur le rationnement et la pénurie au Danemark par exemple ]

Air-Gaming : Je trouve que le très bon point du jeu est justement la justesse des choix. Ceux-ci sont vraiment cornéliens, car ce n’est pas du tout binaire. On ressent bien la difficulté de la population de l’époque.

Hans: Les personnages sont humains. On a essayé de retranscrire toutes les nuances. Tout le monde est sous pression, les gens se sentent seuls, pourtant il n’y a pas de « bien » ou de « mal » il a des dilemmes, et c’est une part importante dans le jeu. Tous les choix sont difficiles et on a essayé de les rendre le plus réalistes possible.

Shalev : oui merci, on a essayé de comprendre comment des gens, sous le stress de l’occupation se comporte sur le terrain. Quand vous êtes fort, que vous avez des capacités, des armes, vous pouvez devenir un héros, faire de bonne chose.
Mais quand vous êtes sous la botte de l’oppression, alors vous ne pouvez pas faire la même chose. Vous êtes dans une zone grise, il y a sorte de compromis nécessaire. Il était important pour nous de faire arriver plusieurs fois le joueur à des choix difficiles, où vous avez du mal à choisir. Si à certains moments dans la conception nous arrivions à des choix qui étaient évidents, je demandais à ce qu’on les retire. On devait se sentir oppressé.

Air-Gaming : c’est un point important du jeu. Justement, comment avez intégrés dans la conception du jeu l’écriture de ces dilemmes moraux auquel le joueur est confronté ?

Shalev : il s’agit bien sûr d’être fidèle à l’histoire. Faire des jeux historiques précis est difficile, car c’est beaucoup de travail pour réaliser quelque chose de fidèle. Mais on voulait littéralement que le joueur sente la complexité de cette période, qu’il soit face à une palette de situation compliquée. L’autre chose était d’être honnête avec nous-mêmes. Que donne le choix qu’on propose ? Si ça ne vous pose pas de problème, ça veut dire que le choix n’est pas honnête.

Hans : On voulait que le joueur comprenne les personnages, qu’il n’y ait pas de choix simple.
On ne voulait pas prêcher une morale, mais on voulait donner le contexte, la situation et les personnes. Faire comprendre pourquoi il est parfois difficile de faire les bons choix.

Shalev : dans de nombreux RPG vous vous promenez, vous trouver une personne qui vous dis « Hé ! tu peux faire ça pour moi ? » tu peux dire oui ou non, même l’insulté, sans que ça n’ait aucune conséquence. Vous pouvez donner de mauvaise réponse, vous pouvez revenir plus tard. Ici ce n’est pas le cas et quand vous répondez, c’est définitif et il y a plusieurs personnes qui écoutent. Donc ce que vous dites à l’un pourra déplaire à l’autre.

Air-Gaming : Oui j’ai vraiment apprécié. Dans ma manière de jouer, j’essaye de faire les choses bien, et c’était vraiment difficile de ne pas se compromettre. J’ai vraiment ressenti la difficulté de rester dans une ligne « respectable » dans le jeu.
Peut-être une dernière question, autour, justement, de cette rédaction du jeu, cette fois sur la collaboration avec Don’t Nod. En France c’est un studio apprécié pour son travail d’écriture. Comment c’est passé votre collaboration ?

Shalev : c’est un partenariat créatif, ils nous ont donné beaucoup de liberté pour la conception du jeu.
Ils ont cru en ce que nous faisons sur les sujets et la façon de les aborder. Mais ils avaient leurs points d’expertises.
Par exemple, comme je vous disais, je suis narrative designer, j’avais besoin de savoir si le début du jeu était bon puisque certains joueurs ne finissent pas le jeu. Et Don’t Nod m’a dit, non Shalev, c’est la fin qui doit être bien et c’est sur la fin que tu dois te concentrer. Ils ont une bonne renommée et ils ont une bonne connaissance du public. Donc on a travaillé de multiples fins pour que le joueur ait le meilleur ressentie. Voilà le type de partenariat que nous avons eux. Ils nous ont donné une grande liberté sur les sujets, mais ils se sont concentré sur certains points du jeu et nous ont orientés pour faire si ou ça.

Hans: il y a eu une bonne valeur ajoutée. Cela a vraiment été agréable parce que nous partagions les valeurs du type de jeu que nous faisons. On fait des jeux différents. Mais la plus-value se faisait sur les gens sur les relations entre les personnages, sur les choix difficiles qui selon eux améliorent le jeu.


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Par Kuk

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