Quand on m’a présenté Star Wars: The Mandalorian Adventures en juin dernier, lors d’une journée presse organisée par Asmodee, j’étais content, curieux… et très vite désarçonné. La journée en elle-même était plaisante, avec des dizaines de jeux à découvrir. Trop, même. Mais Le Mandalorian m’a laissé une impression étrange. Pas mauvaise, mais pas franchement bonne non plus. Il y avait ce quelque chose d’inabouti, de rigide, et surtout, de frustrant.
Et puis est arrivée la version française finale du jeu. Une bonne occasion de reprendre l’expérience depuis le début, chez moi, dans de meilleures conditions. Résultat : certains défauts ont été gommés, d’autres confirmés, et surtout, de nouveaux problèmes sont apparus. Voici ce que j’ai retenu de cette aventure galactique en demi-teinte.
Un jeu narratif, oui. Mais pas aussi épique qu’annoncé.
The Mandalorian Adventures se présente comme un jeu narratif coopératif basé sur la première saison de la série Disney+. Jusque-là, tout va bien. L’idée est de suivre l’évolution du Mandalorien, sa rencontre avec l’enfant (alias Grogu), sa fuite, ses alliés, ses combats. En somme : le pitch idéal pour faire vibrer les fans, avec une montée en puissance scénarisée sur plusieurs épisodes.
Sauf qu’à l’ouverture de la boîte, c’est la première claque : pas une seule figurine plastique. À la place, des figurines en carton à faire glisser sur les pages d’un livre d’aventure. Un choix très étonnant pour un jeu sous licence Star Wars. Quand on est joueur, qu’on a un univers aussi iconique, on veut manipuler ses personnages, les voir évoluer sur un vrai plateau, les mettre en valeur. Ce n’est pas juste une lubie esthétique : c’est un élément de plaisir ludique.
Alors oui, peut-être que Disney ou Lucasfilm a mis des barrières : pas de peinture, pas de figurines personnalisées, pas de débordements avec leur image. C’est compréhensible dans une logique de gestion de l’IP, mais le résultat final est tout de même un peu frustrant. D’autant plus que des jeux comme Familiar Tales ont compris l’intérêt de combiner narration et figurines, sans en faire trop. Ici, on reste avec du carton à déplacer, ce qui donne au jeu un côté très froid, presque scolaire.
Huit personnages… mais une liberté de choix très relative
En termes de contenu, le jeu propose huit personnages jouables, chacun avec un petit deck de cartes personnalisé. IG-11, Cara Dune, Greef Karga, Kuill, et bien sûr Din Djarin (le Mandalorien) sont là, avec des compétences et des styles de jeu différents. Jusque-là, c’est un bon point.
Mais très vite, une frustration émerge : le jeu ne vous laisse pas vraiment choisir. Chaque mission vous impose de jouer certains personnages, parfois en nombre inférieur au nombre de joueurs autour de la table. Si vous êtes trois et que la mission n’en nécessite que deux, il faudra vous partager les personnages… ou ne pas jouer pleinement. Une décision qui nuit franchement à l’expérience, notamment pour les enfants ou les fans qui veulent « incarner leur héros ».
Ce système rigide, probablement pensé pour coller à la narration, enlève toute souplesse au jeu en groupe. Et ça, c’est un vrai défaut quand on veut proposer un jeu familial.
Un deck-building light, voire trop light
Côté mécanique, The Mandalorian Adventures repose sur un deck-building très simplifié. Chaque personnage a son propre paquet de cartes, avec quatre types d’actions : déplacement, tir, reconnaissance, tactique. À chaque tour, vous choisissez l’action que vous voulez effectuer, la carte que vous jouez détermine la puissance de cette action. Certaines cartes déclenchent des effets spéciaux, d’autres non.
C’est accessible, rapide à comprendre, bien pour initier de jeunes joueurs. Mais c’est aussi extrêmement basique. On est à mille lieues de ce que peut offrir un deck-building moderne. Il n’y a quasiment aucune courbe d’apprentissage, très peu de choix stratégiques, et une optimisation quasi-inexistante. Pour un joueur habitué aux mécaniques plus poussées, le jeu devient vite répétitif.
Un système de progression séduisant sur le papier… mais bridé
Une des idées les plus intéressantes du jeu, c’est que les personnages évoluent. À chaque fin de mission, vous ajoutez des cartes à leur deck. Cela peut débloquer de nouvelles capacités, ajouter de la variété, enrichir la dynamique. Là-dessus, l’intention est bonne.
Mais encore une fois, ça coince à l’exécution : le jeu propose six niveaux de progression, mais seulement quatre missions dans la boîte de base. Donc, sauf à rejouer certaines missions plusieurs fois (ce qui a peu d’intérêt narratif), vous ne pourrez pas faire évoluer vos personnages jusqu’au bout. Et ce n’est pas anodin, car cette évolution est justement ce qui rend chaque personnage un peu plus intéressant au fil du temps.
La réponse, évidemment, est déjà en rayon : une extension baptisée The Clan of Two est prévue (ou déjà sortie selon le moment où vous lirez ces lignes), et elle devrait apporter les missions manquantes. Mais ça donne tout de même un arrière-goût de découpage marketing. Le jeu de base vous vend un système d’évolution incomplet, et vous pousse vers l’achat du reste pour en profiter pleinement. Une logique commerciale qu’on retrouve hélas un peu trop souvent.
Une difficulté revue (et trop corrigée)
Lors de la version presse, The Mandalorian Adventures m’avait laissé un souvenir fort… mais pas forcément agréable. Le jeu était punitif, voire franchement injuste. Chaque fois qu’on utilisait trop de cartes dans une compétence, on devait tirer une carte punition. Et ces cartes pouvaient littéralement ruiner la partie. Je me souviens même d’un AT-ST qui nous poursuivait sans relâche, ajoutant une pression constante – un moment marquant, mais peut-être un peu trop.
Mais aujourd’hui, tout cela a disparu. Les punitions ont été grandement allégées. Maintenant, si vous dépassez les actions prévues, vous prenez soit un petit malus, soit vous déclenchez l’arrivée de renforts… au bout d’un certain nombre de fois. Autant dire : rien de vraiment effrayant.
Résultat : le jeu est devenu extrêmement facile. Même en jouant sans optimiser, sans trop réfléchir, les missions passent toutes seules. Aucune tension, aucune vraie pression. C’est propre, fluide, mais un peu fade. Et pour un jeu coopératif narratif, c’est un vrai problème : l’absence de défi tue l’aventure.
Quatre missions, et puis c’est tout ?
C’est l’autre souci majeur du jeu : sa durée de vie. Avec seulement quatre missions, qui durent entre 30 et 45 minutes, vous aurez fait le tour en trois heures maximum. Même en considérant les possibilités de rejouer avec d’autres personnages, l’intérêt diminue très vite. Les cartes sont les mêmes, les ennemis sont les mêmes, et les surprises scénaristiques s’évaporent après un seul passage.
Encore une fois, l’extension semble être pensée pour corriger ce défaut. Mais dans la boîte de base, l’expérience est trop courte, et la rejouabilité trop faible pour justifier un achat plein tarif.
Un prix difficile à avaler
Et justement, parlons tarif. The Mandalorian Adventures coûte environ 45 euros. Pour ce prix-là, vous avez :
- Un livre-plateau solide,
- Des figurines en carton,
- Huit decks de personnages,
- Quatre missions,
- Quelques enveloppes à ouvrir en fonction de l’évolution.
Et c’est tout. Pas de figurines, pas de matériel haut de gamme, pas de grande richesse scénaristique. Pour un jeu sous licence Star Wars, c’est étonnamment minimaliste. Le ticket d’entrée est donc beaucoup trop élevé pour ce qu’il propose, même si on est fan. Un jeu d’introduction, oui. Mais à ce prix-là, on est en droit d’en attendre un peu plus.
Conclusion – Un jeu qui rate sa cible ?
Star Wars: The Mandalorian Adventures aurait pu être un bon jeu d’initiation, un pont entre les fans de la série et le monde du jeu narratif. Mais il trébuche sur trop de points. L’absence de figurines, les restrictions imposées sur les personnages, la difficulté inexistante, la durée de vie faible, et surtout un prix qui ne reflète pas le contenu.
Peut-être que The Clan of Two viendra corriger certaines lacunes. Peut-être. Mais en l’état, la boîte de base laisse un goût d’inachevé. Elle tente de séduire tout le monde… et finit par ne satisfaire vraiment personne.
En résumé :
- Points forts :
- Licence Star Wars bien exploitée côté narration
- Mécaniques simples, adaptées aux enfants
- Évolution des decks intéressante en théorie
- Format « livre-jeu » original
- Points faibles :
- Aucune figurine, ce qui déçoit les fans
- Liberté de choix des personnages très limitée
- Difficulté quasi absente
- Durée de vie très courte (4 missions)
- Progression incomplète sans extension
- Prix trop élevé pour le contenu