Jeux de collection contre KS post-campagne, ou « comment j’ai fait fortune avec une vieille boite de Monopoly«
La tendance à « tout collectionner » ? vous connaissez ? cette peur de louper le bon jeu et de ne plus jamais pouvoir le racheter. Mais si, ce Kickstarter fantastique livré dans un demi-container assorti de plateaux « triple layers » et de 5kg de figurines que vous ne peindrez jamais… et bien figurez-vous qu’il ne sera jamais réédité. Vous allez le louper, il va vous passer sous le nez. Cette petite figurine de chat en plastique qui signale le 1er joueur du tour ou celle de Spiderman dans une pose gênante, vous n’aurez qu’une seule occasion de la posséder.
D’aucun dirait que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Car ils sont là, en embuscade, les maraudeurs du KS. Ceux qui font un all-in et qui le revendent dès livraison avec un bonus de 20% ou ceux (qui possèdent des moyens de stockages inaccessibles aux citadins) qui stockent et qui ressortent « l’introuvable » deux ou trois ans après le KS, et là c’est l’hystérie, la foire d’empoigne, le pugilat. Les uns trouveront toujours les autres, c’est le fond de commerce d’Ebay et d’Okkazeo. Mais ne pleurez pas, cette « maladie » se soigne avec le temps et certains passerons même du camp des acheteurs compulsifs à celui de traders en jeux rares, j’oserai même dire que c’est une évolution naturelle : cette pile de la honte qui prend trop de place chez vous, ce jeu auquel vous ne jouerez jamais… autant le vendre, vous en séparer, même à vil prix – il a perdu la valeur que vous lui aviez donné au moment de l’achat. Un grand homme de ma connaissance me disait « le plaisir est dans l’attente du plaisir » – et bien cette maxime s’illustre dans le petit cinéma que vous vous jouer dans la boutique, une grosse boite en main, imaginant Jean-Louis humilié par vos soins au tour 15 avec un char et un escadron de Space Marines. Malheureusement, pour passer du rêve à la réalité, il faut passer à la caisse et, cœur du problème, cramer la seule ressource qui est limitée et précieuse pour tous : du temps.
J’en connais qui nient l’existence chez eux d’une pile de la honte !! ils considèrent qu’un jeu non joué se doit d’être revendu immédiatement. Sont-ils fous ou sages ! je vous laisse trancher.
Deluxe, connoisseur et bois de teck
Alors évidemment, il ne s’agit pas d’attraper les mouches avec du vinaigre : le marketing des grands éditeurs a bien compris certaines ficelles de la manière de penser des joueurs/collectionneurs. Des mots clés sont importants afin attirer l’attention de l’amateur, des mots tels que « connoisseur » (notez l’anglicisme), « Deluxe », « édition limitée », « tirage faible »… On les connait, on les reconnait ces termes. On en a mangé lors du KS de Conan, de Batman, de 7th Continent, de Gloomhaven. C’est l’aspect exclusif, du « moment exceptionnel passé entre amis » qui nous a fait sortir la carte bleue et pas toujours l’idée « incroyable et originale » au cœur du jeu. Aussi cette idée un peu snobinarde d’être dans le camp de ceux qui ont eu le jeu en premier ! J’en étais Môssieurs, je tenais la boite dans mes mains !
Je les connais aussi, les « pimpers », ceux qui éclusent Etsy à la recherche du playmat ultime ou des pièces en métal que l’éditeur n’a pas jugé bon de publier. Ceux qui passent leurs week-ends à sleever compulsivement (et en double layer) les cartes des jeux qu’ils ne sortiront qu’une fois et qui s’avèrera probablement « bof au mieux, nul au pire ». Notez bien que certains éditeurs ont abusé, je pense notamment aux fils de Babel qui ont mis sur le marché un « Terraforming Mars » dont les composants ne souffrent pas les éternuements ou les Parkinsoniens (les vrais sachent). Mais cela a permis à certains détenteurs d’imprimante 3D de financer leurs hobbys.
Personnellement, je ne suis pas amer, certains coups de CB ont été fructueux, je pense à « Scythe » notamment.
Mais au fond, deux conclusions s’imposent :
- les vrais bons jeux ne sont identifiables qu’après 3 à 5 ans. Ils le sont s’ils survivent l’épreuve du temps et particulièrement la sortie de nouveaux jeux à grosse hype.
- les vrais bons jeux ont toujours fait l’objet de ré-édition (même tardive, même deluxe) ? Ré-éditions ratées (Libertalia, Caylus 1303…) qui vont rendre l’original encore plus recherché et cher ou ré-éditions réussies (Claustrophobia, Zoo Vadis…) qui vont plonger dans l’oubli la version originale – qui perdra toute valeur de revente.
Les extensions introuvables
Ce tropisme ne touche pas que les jeux, loin s’en faut. Il y a aussi cette petite extension au fond à droite, éditée une seule fois, en 1997, en 4000 exemplaires pour le monde entier. C’était il y a longtemps. A l’époque l’extension en question c’était une boite en carton fin, voire une enveloppe, avec trois ou quatre autres bouts de carton assortis d’une feuille A4 qui détaille les règles avancées. Et ça, cette blague de jeu, quasiment un pied de nez des auteurs, devient l’objet d’une quête du Graal. A fureter sur Ebay, Okkazeo, mettre des alertes, draguer leboncoin pour finalement passer ses week-ends à chiner les vides grenier (en septembre/octobre en particulier – c’est à ce moment que les jeux de société sont déstockés). Une fois obtenue, il n’est pas question de la déniaiser ! sacrilège ! Il s’agit de la mettre en sureté, de la stocker dans un coffre, de la protéger de l’humidité et du soleil. Et bien sûr, de se vanter de l’avoir auprès de tous ses amis collectionneurs : « oui, l’extension « Les Sorciers de Morcar » originale de Heroquest… oui, oui, je l’ai ».
Mefiez vous des rééditions !
Réédition rime avec trahison… Pas toujours mais quelquefois.
Je prends ici quelques exemples :
- « Skymines », version wokisée de « Mombasa », semble avoir été colorée par un daltonien. Attention, le jeu est très bon, mais il faut y jouer avec des lunettes de soleil.
- « Caylus », un classique des classiques, que l’on a tenté de relancer par un « Caylus 1303 » honteux. Allez voir la quantité de « Caylus 1303 » dispo sur Okkazeo, voilà la vraie métrique du succès d’un jeu. On a tenté un coup de poker qui a totalement foiré.
Jetez un coup d’œil au plateau de la big box de « Descendance » … y’a rien qui vous choque ? on ne pouvait pas garder le design d’origine ? Attention, ne me prenez pas pour ce que je ne suis pas : un conservateur, un rétrograde. Certaines rééditions ont véritablement relancé le jeu d’origine, je peux citer « Zoo Vadis » récemment sorti qui refait à fond le « Quo Vadis » d’origine (dont le design de base faisait penser à une déclaration d’impôts). Donc prenez la température avant de sauter dans le bain, soyez conscient de ce que vous achetez !
Et Warhammer, et Magic, ça compte ?
Pour qui n’a pas lu l’excellent livre « Dice Men » de Ian Livingstone et Steve Jackson il est difficile de comprendre la genèse d’une vache à lait telle que Warhammer. Comment 3 copains Geeks (terme inconnu à l’époque) passent de nobody à chef d’entreprise de jeux de société. Oh ils ont dormi dans leur voiture (durant 3 mois d’hiver), mais ils étaient plein de cette passion du joueur qui a trouvé « le » truc. En plus de la diffusion exclusive de Donjons et Dragons, ils vont commencer à vendre des figurines (en plomb à l’époque) et pour compléter les sets vendus, ils vont y adjoindre une petite règle, un genre de petit jeu bonus. La base du jeu est l’escarmouche et tout se résout avec des dés à 6 faces – pour que les joueurs puissent toujours trouver des dés à portée, dans d’autres boites de jeux. Alors des bonnes intentions de départ à la machine à fric qu’est devenu Warhammer, OUI, il s’agit aussi d’un objet de collection. Les chineurs sont toujours en quêtes de vieux Eldars, de Skavens ou de Space Marines (pour les joueurs de Warhammer 40K).
Quant à Magic The Gathering, c’est le pire. Seul un ancien consommateur d’héroïne ou d’Opium base serait à même de décrire l’excitation de trouver au détour d’une brocante un « Mox » ou un « Time Walk » à bord noir, voire un « double land » de la première édition vendu par une mère de famille ignorante de ce qu’elle possède – notez bien que j’évite de parler d’une certaine carte illustrée d’une fleur noire.
Oui, Magic est à présent une machine à nostalgie, un gouffre à fric sans fond pour des joueurs repentis qui cherchent encore la carte à bord noir qui leur a tant manqué dans le passé.
Entre vieilleries, chinage et nostalgie
En vérité, toutes ces tendances sont très humaines.
Alors je vous propose de feuilleter une petite liste des introuvables, ces jeux qui sont sortis il y a longtemps (ou pas) et qui ont pris de la valeur, en tous cas beaucoup plus que votre livret A. Ces jeux que vous n’avez fait que croiser lorsque vous aviez 10 ans, et que votre copain Paul possédait (pas vous) et qu’il a sans doute perdu depuis. Et bien vous, après un BAC+5 et armé de votre « Livret de développement durable et solidaire » plein, vous allez le retrouver, vous allez enfin l’intégrer à votre collection à l’égal de cette « Rolex pour les plus de 50 ans » ; cet objet vous permettra de fermer enfin la porte de votre enfance et d’atteindre la complétude de l’âme.
Oh ne me jetez pas la pierre, cette liste est partiale, partielle et biaisée. Elle est en fait la revue des pierres que j’ai laissé couler dans la rivière alors que la boite a été en face de moi à un moment ou à un autre !! comme n’importe quel crétin qui a chipoté du groin au-dessus d’un bitcoin à 5 centimes d’Euro et qui regrette ses millions envolés dans le ciel avec une banderole « si j’avais su… » collée au cul.
Alors, plongeons dans cette liste :
1 – Donjons & dragons – 1ère édition VF – Manuel de base (boite rouge)
La putain de boite rouge. La source de tous les troubles. La boite qui plongé une génération entière dans la perdition. Les vrais avait installé un morceau de moquette dans le fond de la boite afin de mieux faire rouler les dés. Pour tout dire, la boite était « juste » un écrin pour 2 livrets et une poignée de dés (et un crayon gras pour faire ressortir les résultats des dés si je me souviens bien). Mais le mal était fait ! D&D avait un pied en France et dans la langue de Molière, combien d’élèves studieux se sont perdus dans cette passion ? Nous étions en 1983, TSR éditait la boite. Elle se trouve encore aujourd’hui pour 120€ et 180€ pièce, suivant l’état, sur Ebay. Bien sûr, les joueurs se tourneront vers toutes les rééditions qui se sont succédées, mais pour les collectionneurs cette boite est tout un symbole.
2 – HeroQuest (190€)
Le premier Dungeon Crawler, le seul le vrai, sorti en 1989, par MB et GamesWorkshop (encore eux), créé par Stephen Baker. Une version épurée de « l’oubliette de D&D », on met de côté la partie récit, on ne garde que la partie exploration souterraine. Même si les parties se résumaient souvent à entrer, tomber sur un gros bill, et à fuir en courant avec ce que vous aurez pu looter ; c’était une immersion positivement haletante. Tout se résolvait avec des dés à 6 faces spéciaux. 4 personnages de bases, les classiques guerrier, nain, magicien et elfe – petites figurines que l’on pouvait peindre (déjà à l’époque). La boite contenait même du mobilier pour habiller les pièces du labyrinthe. Les plus hystériques reproduisait le plateau en 3D. Pour 1989, c’était une grosse boite de bonheur. Beaucoup l’on eut. C’est ce qui explique que l’on peut encore le trouver. Mais pour 200€.
Je ne serais pas complet dans mon évocation si je ne mentionnais pas les rééditions, au pluriel. La première est la plus grande arnaque dans l’univers du KS (oui, j’ai lâché mon billet dedans). Il s’agit d’un financement participatif lancé en hommage au jeu de base – pour son anniversaire, par une équipe espagnole, mais sans songer à acquérir les droits du jeu (quelle idée) auprès de l’éditeur. Ces voleurs sont actuellement encore poursuivis, je veux bien sur parler de TseuQuesT (ne cherchez pas, ne vous connectez pas). Mais cette petite aventure a surtout eu pour conséquence de réveiller le dragon Hasbro, qui a repris l’idée et a lancé son propre KS, reprenant le matériau de base et ses extensions. Gros succès. Grosses ventes. La génération doudou (nous) a sorti sa carte bleue comme on dégaine un pisto-laser. Mais les vieux de la vieille bichonnent encore leur boite de la première heure, avec amour.
3 – StartQuest / Space Crusade (250€)
Heroquest, mais dans Warhammer 40K. Ici, on est sur une véritable re-thématisation par Steven Baker (le même que celui d’Heroquest). Une fois de plus le jeu sort en 1990, mais au travers de MB (qui arrose plus large que Games Workshop tout seul). Dire qu’il se trouve facilement est un peu rapide, mais des boites sont là, pas toujours complètes, certaines fois les figurines sont peintes au rouleau (la passion et la confiance de l’enfance). Quelques extensions sont disponibles : « Eldar Attack » et « Mission Dreadnought« , mais bon, introuvables. Je ne pense pas « tirer à côté » en disant que « Mission Dreadnought » a directement été inspiré par l’ED-209 de Robocop. Le jeu a eu une deuxième vie au travers de « Advanced Space Crusade« . Et un portage en jeu vidéo a aussi eu lieu. Encore une fois, une boite qui a marqué son temps, mais qui est maintenant dans les introuvables.
4 – Space Hulk (250€)
1989, encore un pavé lâché dans la mare, avec de jeu de Richard Halliwell, édité par… encore Games Workshop !! Le film Aliens (deuxième de la franchise) est sorti en 1986, on peut dire qu’il en fait réagir celui-là. 3 ans plus tard sort « Space Hulk », première édition (entre 150 et 250€ sur Okkazeo et Ebay). Un Dungeon Crawler dans l’espace. Ce n’est pas la même qu’Heroquest, qui nécessite un joueur « maitre du donjon » face à un ou plusieurs joueurs/personnages. Space Hulk est plus un jeu d’affrontement asymétrique à 1 contre 1, chaque joueur sa faction, les Genestealers contre les Space Marines (le jeu se situe dans l’univers de Warhammer 40K). 3 extensions sont sorties à la suite de la boite de base : Space Hulk: Deathwing Expansion (1990), Space Hulk: Genestealer Expansion (1990), Space Hulk Campaigns (1991). Mais bon, autant la boite de base est trouvable, autant les extensions sont aux abonnés absents.
Là aussi, la communauté internet est toujours vivace. Et le jeu de base a vécu plusieurs rééditions jusqu’à une v4 très honorable – mais Games Workshop préfère traire sa vache à lait que d’investir dans des tentatives de jeu d’un autre type que le moteur « warhammer » ; ce qui ne les empêche pas de ressortir du placard un « Blood Bowl » ou un nouvel opus de « Warhammer Quest » de temps en temps, ce qui les sort de leur zone de confort (pour faire encore plus de brouzoufs).
5 – Small World Designer’s edition (2000€)
La boite de jeu la plus stupide du monde : imaginez, en 2015, la mise en vente d’un coffre de 15 kg, SANS POIGNEES ! (Ce détail a bien fait marrer Messieurs Phal et Croc) contenant le résultat d’une « carte blanche » donnée à une bande de concepteurs de jeux de société cocaïnomanes. On parle ici d’une gageure : pièces métal, figurines plastiques, plateaux double faces. Une folie vous dis-je ! Je ne sais même pas à qui s’adressait ce produit : les collectionneurs, c’est sûr, les joueurs passionnés, probablement. En tous cas, tout est parti sans laisser de traces.
A l’époque la boite se vendait à 400€. Je ne sais même pas combien de copies ont été tirées. Elle se trouve maintenant à 2000€ sur Ebay, quelquefois moins. Consolez-vous avec la version retail, toujours aussi bonne. Pimpez si cela vous fait plaisir. Mais restons raisonnable : comme disent les anglophones : « ce bateau a quitté le port il y a bien longtemps ».
6 – Full Metal Planet (200€)
Le jeu de la discorde. Le jeu qui ne sera jamais réédité : les auteurs sont brouillés. Pourtant, ce jeu de 1988 a eu son heure de gloire et a même été décliné en jeu vidéo sous Amiga, Atari, Apple et PC ! Ce n’était pas vraiment un 4X, mais le cœur y était : Extermination, oh oui ! mais la récolte du minerai (de vrais graviers inclus dans la boite, quelle D.A.(1) !) ne permettait que de faire des points, pas de faire évoluer les forces en présence. Très peu de hasard. Un jeu tendu et délicieux très chronométré (25 tours), avec un système de marées. Bref, une anomalie totale qui a durablement influencé les auteurs par la suite.
Devinez quoi : il y a eu une extension, mais bon n’y pensez même pas. Déjà rien que l’acquisition de la boite de base va déclencher un coup de fil de votre banquier (200€). Les ressources sur internet, encore nombreuses, témoignent d’une communauté encore très vivante (probablement des retraités qui n’ont que ça à foutre), mais pour combien de temps ? La boite contenait son pesant de vaisseaux en plomb, à peindre. Et il était nécessaire de mettre un petit morceau de plastique de couleur afin d’identifier les pièces de sa faction.
A bien y penser, et même si cela me retourne le cœur, quel kickstarter pourrait se faire avec celui-là !!
7 – BattleStar Galactica (200/300€)
Toute une aventure ! quelle série ! je ne vous parle pas de la première version « pyjamas et maquettes en plastiques », je vous parle des 4 saisons avec Edward James Olmos. L’un des premiers jeux à rôle caché, sorti en 2008 : cylon ou pas cylon ? Les parties sont longues mais sont riches en rebondissement. On est dans du coopératif avec « couteau dans le dos » – on sent bien que « Les chevaliers de la table ronde », sorti en 2005, de Bruno Cathala et Serge Laget, sont passés par là. Les extensions font l’objet de spéculations acharnées ! certaines boites partent pour des fortunes. Elles sont au nombre de trois : Exodus, Pegasus et Renouveau.
Mais L’I.P. (2) a été perdue. La série télévisée s’est terminée (officiellement) en 2009, mais comme la pression des joueurs était toujours là, il a fallu rééditer sous un autre thème : « Unfathomable« , « l’insondable » en français, est sorti en 2021 remplace les cylons dans le monde de H.P. Lovecraft, les vaisseaux spatiaux sont remplacés par des bateaux et des monstres marins.
8 – les jeux Gallimard/Games Workshop (Talisman, le Sorcier de la montagne de feu, les Contes des mille et une nuit…)
Là, on touche à des traumatismes profonds. En 1986, Gallimard sent un virage dans le monde du jeu de société. « Trivial Pursuit » est sorti, « Donjons & Dragons » est sorti, les « Livres Dont vous êtes le Héros » font un carton (le premier est sorti en 1984, directement traduit des œuvres de Games Workshop, encore eux) et ce petit monde bruisse gentiment, il y a peut-être un coup à jouer en France. Gallimard va donc éditer une petite quantité de jeux de plateau de Games Workshop dans des boites reproduisant l’apparence d’un gros livre (en plastique) : « Talisman« , « le Sorcier de la montagne de feu« , « les Contes de mille et une nuit« , plus tard « l’Oeil Noir » (JdR). Je ne pense pas que ce fut un gros carton commercialement parlant, mais pour quelques gamins ce fut la première piqûre d’une passion qui pourrait s’avérer dévorante.
Les boites se trouvent encore, entre 50€ et plus. C’est un pur objet de collection.
- Pour être franc, Talisman a été réédité de nombreuses fois (plus ou moins bonnes). C’est un pur jeu de l’oie doublé d’un générateur d’événements aléatoires… une très bonne introduction aux jeux de plateau pour les moins de 10 ans, on s’y croirait. Dans l’attente d’une… v5 ? un jour.
- « Les Contes de mille et une nuit » sont très buggés (la communauté a corrigé et édité les livrets corrigés) et a été aussi été réédité (la réédition de 2015 se trouve difficilement et pour très cher, car édition limitée aussi).
- Seul « Le Sorcier de la montagne de feu » n’a pas fait l’objet d’une réédition. Sans doute a-t-il fait un four à sa sortie. Mais on peut le trouver sur Ebay pour 130€.
Dans les années ’80, ces objets ludiques étaient des anomalies dans un paysage du jeu de société qui se cherchait. On éditait n’importe quoi.
9 – Takenoko Géant
La mode des jeux de société géant est une autre forme de version « collector » d’un jeu qui ne dit pas son nom. Voilà une catégorie qui compte quelques superbes exemples : Takenoko géant, Rush Hour géant, Marrakech géant, Blokus géant, Abalone géant, Quarto! géant, Katamino géant… la liste n’en finit pas. Alors à moins d’être une ludothèque ou un centre de loisir, la motivation pour avoir ce type de jeu repose principalement sur le bel objet à afficher sur la table basse de son salon. Imaginez les invités découvrant le Quarto géant, « mais qu’est-ce ? quelle originalité ! ». On frise le « m’as-tu vu ? ». Mais elles existent, sont même rééditées. Et les prix s’envolent d’occasion : Takenoko géant se trouve, pour un billet 180€. Le fait est qu’elle est belle cette boite en bois. Les figurines (prépeintes) sont superbes. Et la taille des pièces donne une lisibilité inégalée. Mais, une fois de plus : pour combien de parties ?
10 – Catan 3D Collector’s Edition 2005 (10th Anniversary) … et autres “versions anniversaire”
Là, on touche au superbe : la « version anniversaire » est au jeu de société ce que le « Blu-Ray Collector » est au cinéma – on te refait le coup de l’anniversaire à intervalle régulier pour te refourguer quelques boites.
Le jeu en lui-même est le même, mais on a un peu poussé les potards de la D.A. : nouvelles illustrations, nouvelle extension incluse, une règle qui change… Le but est véritablement de créer un objet de collection, avec tirage limité, voire numéroté. La boite est plus grande (au grand dam des citadins), les finitions plus soignées. Non, je ne pense pas aux « Aventuriers du Rail » … mais puisque vous le mentionnez on n’a pas moins de 3 versions anniversaire (2 pour les 10 ans version U.S. et 15 ans version Europe). La boite Europe est encore trouvable et je dirais même qu’elle a un peu de mal à s’écouler. Cependant, la boite U.S. s’arrache littéralement : on ne la trouve qu’à 250€ sur les bons sites. La version Catan 3D Collector’s Edition 2005 (10th Anniversary), plus ancienne, est une vraie débauche : coffre de rangement en bois, l’île est intégralement en 3D. C’est un objet insortable mais qui, telles les versions géantes, s’affiche très bien dans son salon. Et quelquefois la sauce ne prend pas : la boite 20eme anniversaire de Carcassonne (2021) est encore trouvable à 20€, peut-être le tirage n’a pas séduit le collectionneur…
Faites la paix avec vos jeux
La pile de la honte est un problème dont je suis la première victime. Je me suis rangé des KS comme on se range des voitures. J’ai fait la paix avec les versions collector. Je garde une collection bien fournie, mais je suis actuellement dans un processus d’épuration méthodique des jeux qui ne sortent pas, ce qui me pousse aussi à me poser de saines questions sur ce que ce que je n’aime pas et sur ce que j’aime (et cette dernière question m’amène à de nouveaux achats, évidemment).
Je confesse aussi avoir vécu le déchirement du désir d’achat d’un jeu au moment où sa réédition, illustrée par le grand Vincent Dutrait, allait sortir… que faire, attendre ou craquer ?
« Il faut jouer ce qu’on aime », voilà une maxime simple.
De nos jours, les règles d’un jeu sont disponibles en ligne et connaitre le jeu avant de l’expérimenter devrait faire partie de nos habitudes d’achat. Les vidéos de déballage et d’explications des règles sont nombreuses. Nous sommes à l’aube de « l’achat réfléchis » (d’autant plus qu’avoir un prêt bancaire pour acheter un appartement plus grand relève du parcours du combattant ; sans parler de réchauffement climatique).
Que vous soyez joueur, collectionneur ou pur spéculateur : Craquez donc, mais craquez en pleine conscience.
(1) Direction Artistique
(2) Intellectual Property