Goûter-animation autour d’Oniri Islands

Oniri Islands Logo Purple Big

Samedi 18 mars 2017, au Cube d’Issy-les-Moulineaux, j’ai pu rencontrer Tourmaline Studio, les développeurs d’Oniri Islands (dont on vous a déjà parlé ici), autour du goûter-animation qu’ils avaient organisé pour faire essayer la démo de leur jeu. Par un après-midi gris et humide, un peu d’évasion autour de gâteaux, boissons, bonbons, et un jeu aux couleurs pastels pensés pour tout le monde. J’ai pu rencontrer les membres de l’équipe, voir tourner le jeu et percevoir, depuis le premier rang, la façon dont les différents publics réagissent.

 

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Bienvenue au goûter Tourmaline !

Le Cube, tout d’abord, qu’est-ce que c’est ? Le Cube est un centre culturel qui articule ses animations autour de la technologie, principalement du numérique et de la création artistique numérique. Montages photos, retouches, modélisation 3D, créations assistées par ordinateur, le Cube a pour vocation de faire connaître diverses facettes de la création artistique par ordinateur, avec des animations pour enfants, adultes et adolescents.

C’est important de le préciser car c’est aussi pour cela que le goûter s’est tenu là-bas, le but était double : pour Tourmaline faire la promotion de leur jeu Oniri Islands, pour le Cube montrer que la création artistique numérique s’étend (naturellement dirait-on, mais ce n’est peut-être valable que pour nous adultes) aussi aux tâches de graphisme et d’animation dans les jeux vidéo. D’après Marion Bareil, co-fondatrice et directrice de la création chez Tourmaline,, c’est d’ailleurs le Cube qui leur a proposé d’investir les locaux un après-midi durant.

Page Kickstarter projetée depuis un ordinateur sur un écran blanc, gâteaux aux fruits et au chocolat, biscuits aux amandes, bonbecs acidulés, boissons sucrées (limonade, Oasis, Coca, etc.), deux iPad et deux paires de petites figurines pour essayer le jeu et toute une collection de masques en carton en rapport avec les animaux-totems du jeu, toute l’ambiance était innocente et bon enfant, une excellente chose car à peu près tous les âges sont passés. Et puis par un samedi gris, un peu de joie innocente et de dépaysement sur une île magique me semblent toujours une bonne idée, surtout s’il y a de la limonade et des pâtisseries. Je suis faible, je l’avoue…

 

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Des masques des totems pour jouer à imiter ses personnages. Je vous disais que c’était acidulé et bon enfant.

J’ai pu ainsi voir des parents jouer à la démo (premier chapitre du jeu) avec leur bambin de 5 ou 6 ans, d’autres avec un rejeton plus petit (3 ou 4 ans je dirais), des parents essayer ensemble après leurs enfants de 8 ans, voire des parents s’émerveiller pendant que leur ado opine diplomatiquement (dans un amusant retournement de situation), et il est assez fascinant d’observer toutes ces réactions très différentes aux mécaniques de jeu, à l’écran, aux contrôles, aux choix de couleurs et au style visuel d’Oniri Islands. Les très petits enfants par exemple ne maîtrisaient pas les contrôles (il y a une façon de poser le socle à plat pour que le contact soit effectué) tiraient leur bonhomme partout sur la carte sans prêter attention aux indications (le bruit ambiant et les hauts-parleurs faiblards des iPad n’aidaient pas toujours à entendre les indications de la voix-off) ni forcément regarder ce qui se passe à l’écran, ce qui exigeait des parents de jouer pour deux.

Un autre tout-petit arrachait la figurine des mains de son père pour aller plus vite mais se trompait, et s’amusait à faire exprès de tomber dans les sables mouvants du labyrinthe. Il était assez touchant de voir les parents mettre plus d’application à résoudre les énigmes que leurs enfants, qui jouaient comme on joue avec des figurines à leur âge : en les faisant sautiller partout sans règles précises. Manon Flouret, designer produit, et Matthieu Chesnais, programmeur, animaient les démos et expliquaient le jeu. Quant aux enfants plus âgés (environ 8 ans), certains s’appliquaient à jouer « correctement », peut-être plus sérieux qu’ils ne le sont pour les devoirs…

J’ai discuté un peu avec Marion du projet et des limites que j’ai pu percevoir dans la démo : jouer sur un iPad en posant des figurines d’échelle 28mm (l’échelle des fantassins de Warhammer 40,000 ou Warmachine pour ceux qui jouent aux wargames) dessus et en les faisant glisser, tout en gardant un écran avec des points-clés assez gros, rend parfois la lecture difficile car on a les mains (et les poignets) au-dessus de l’objet et on peut se gêner mutuellement. En outre, parfois le contact se perd un peu et il est nécessaire de poser à nouveau la figurine sur l’écran. Elle a acquiescé et m’a expliqué que l’échelle était un sacrifice nécessaire pour garder un jeu lisible et jouable, et que la gêne visuelle des mains peut s’arranger car on peut soulever et repositionner la figurine, croiser les mains et échanger avec son partenaire. J’admets qu’elle a entièrement raison et qu’en effet quand l’écran est aussi le contrôle du jeu, ce genre de choses est un peu inévitable. Toutefois en effet rien de ce que j’ai pu remarquer n’est grave ni n’empêche d’apprécier Oniri Islands. On ne s’en rend très vite plus compte.

 

Oniri Figs 1

Les adorables figurines et leur masques trognons.

Parlons un peu plus d’Oniri Islands : nous vous avions déjà sommairement expliqué que ce jeu parle de deux enfants, Tim et Mina, qui sont aspirés par leur baignoire après avoir entendu une mélodie étrange en émaner. Ils se retrouvent alors sur une île mystérieuse où des animaux-totem vont les aider à retrouver leurs ombres et se sauver d’une étrange malédiction. Les enfants ne parlent en fait pas, toute la narration et les commentaires sont prononcés par leur grand-mère, qui mystérieusement possède un savoir sur cette île et va les conseiller.

La démo donne une très bonne impression très vite. La narration de la grand-mère ne cherche jamais à prendre le joueur de haut, ni à lui expliquer l’énigme à résoudre, mais reformulera les indices simples donnés visuellement, ou les énoncera, réussissant (pour ce que j’ai vu) la prouesse de ne jamais en dire trop ou pas assez, juste d’accompagner l’exploration. Sans trop vous en conter, afin de maintenir un peu de mystère sur le jeu, j’ai été saisi par l’ambiance, à la fois douce et fantastique, mais parfois brusquement secouée par une réplique terriblement adulte. J’ai trouvé l’écriture de cette démo vraiment intrigante et, pour ne rien vous cacher, je suis franchement curieux de connaître la suite. L’animation est agréable et fourmille de détails un peu partout (je pense en particulier au petit escargot qui trône sur la tortue de pierre) et les contrôles sont vraiment bien pensés. Le marqueur du personnage sur la tablette-même est un disque coloré correspondant au personnage (Tim ou Mina) qui s’enrichira de la silhouette du totem, et sait suivre la direction dans laquelle la figurine est tournée. Sur la tangente de ce disque, un petit cercle représente les « mains ». Pour saisir un objet ou interagir avec, il faudra aligner les mains jusqu’à que le jeu réagisse. Le détail qui m’a vraiment plu c’est qu’on peut ensuite s’échanger les objets de main en main. Ça ne sert peut-être à rien, mais le fait même d’y avoir pensé est remarquable, en outre, cela évite de devoir courir partout sur la carte si on voit mal ce qu’on fait, on se passe le relais et on continue.

La carte d’ailleurs ne défile que si les deux personnages sont près du bord de l’écran, et la vitesse dépend de la proximité, donc si vous avez besoin d’y aller piano, il suffit de ne pas se coller au bord. L’ensemble d’ailleurs répond bien, il est intéressant de noter que les joueurs peuvent aussi échanger leurs figurines à tout moment afin de garder de la souplesse, étant donné que certains parcours d’obstacles ne permettent pas vraiment de se contourner (on peut aussi soulever la figurine de la tablette pour la repositionner, mais échanger les mains à un côté jeu de rôle qui me plaît). L’ensemble est très lisible, avec un style graphique très agréable, mélangeant aquarelle, couleurs douces et bien contrastées et grandes lignes bien définies. Tout est facile à repérer à l’œil nu et, fort heureusement, les mauvais souvenirs de « chasse au pixel » de nos jeux d’aventure ne sont pas à craindre.

Oniri conceptForest TeaTime

Ces grenouilles me font penser à Alice de Lewis Carroll, pas vous?

L’ensemble du concept a été guidé par trois inspirations majeures d’après Marion : le jeu de plateau, les jeux d’aventure point&click, et un peu le jeu de rôles (d’où les masques-totems à mettre sur le visage des petits personnages, que Marion m’a avoué être « purement cosmétiques » car il aurait été beaucoup trop compliqué et cher de faire des masques interactifs qui déclenchent les pouvoirs. en revanche, les mettre pour correspondre aux pouvoirs octroyés durant le jeu permet ce lien avec notre imagination personnelle qu’on trouve dans le jeu de rôles). Leur idée était de créer un produit qui soit à la fois un jeu pour les parents et les enfants, un jeu tablette qui ne soit pas juste une mécanique sur un écran, et un jeu qui n’isole pas devant l’écran. Si je me fie au succès de la démo ce samedi, leur projet a abouti, je n’ai vu personne en sortir indifférent.

Oniri Islands a l’ambition de ratisser large car l’âge minimum conseillé est de 6 ans. « Ça n’a pas été choisi au hasard », m’a expliqué Marion, « car 6 ans c’est l’âge minimum à partir duquel deux enfants peuvent se coordonner sans l’aide des parents. En-dessous c’est un peu plus délicat ». Le jeu en effet a été conçu pour être joué à deux en co-opération. « On a voulu un jeu qui reste social, comme le sont les jeux de plateau ou de rôles, qui se jouent ensemble. » Bien sûr, les ambidextres et les petits malins (ou les grands solitaires) pourront y jouer seul, mais le but était d’éviter la distance qu’on a pu constater entre les parents et leurs enfants devant l’écran. Visiblement, le but était de montrer aussi que les jeux sont pour tous et tous les âges.

« C’est pour ça qu’on s’est inspirés de casse-têtes connus, qui deviennent plus compliqués ou que l’on combine au fur et à mesure que l’on progresse dans l’histoire. Par exemple tu as pu voir qu’on a inclus un Simon et que le parcours entre les sables mouvants ressemblait au jeu du fil qui sonne ». En effet, beaucoup des énigmes de la démo ressemblent à des puzzles logiques éducatifs, ou à des jeux de mémoire ou de coordination, sans jamais virer d’ailleurs au « ludo-éducatif ». Un terme qui l’a faite sourire, parce qu’on a tous vu que le ludo-éducatif perd très vite de son « ludique », ou que le ramage ne se rapporte pas au plumage (et inversement).

Oniri Fig Evol

Des années de travail, des dizaines de prototypes, et tous ont leur charme. Chapeau.

En parlant de ludique, Marion a pris un grand plaisir à montrer ses prototypes de figurines qu’elle transporte dans une sacoche bourrée de mousse, les modèles définitifs et leurs masques d’un côté, les modèles précédents de l’autre (vous pouvez en voir l’ensemble ci-contre). Il est intéressant de voir que Tim et Mina ont rajeuni au fur et à mesure de l’évolution, qu’il était prévu de faire un set complet où les corps se transformaient en costumes (le requin bleu et le caméléon vert derrière en sont un exemple), voire que les personnages seraient soudés à leurs masques. Les figurines noires que vous voyez à gauche étaient les modèles finaux avant peinture, et ce sont ceux qui ont servi à faire jouer le public à la démo.

Elle m’a d’ailleurs avoué avoir une préférence pour les protos « en costume » parce ce sont les premiers et qu’ils contiennent toute la visée du projet. Pour ma part, j’ai remarqué avec intérêt que les anciens protos comparés aux modèles finaux font penser à des grands frères/sœurs, voire des parents, et que tout le sujet aurait changé suivant la taille (on aurait pu imaginer les parents des enfants aller les secourir, par exemple). Je trouve les masques assez fascinants d’ailleurs, tenant à la fois du jouet adorable et en même temps d’un totem mystique dans leur apparence (on aurait envie du caracal en peluche, pour n’en citer qu’un, et le requin semble plus un gros et gentil poisson).

Oniri conceptBeach GiantTurtlet

Cette tortue contient une étonnante surprise…

J’ai enfin pas mal discuté avec Marc Kruzik, responsable de leur Kickstarter et développeur de God Is a Cube, qui m’a expliqué pourquoi il les soutenait, sa vision du jeu indépendant, et de l’importance que revêt pour ces petits studios ce contact réel avec les joueurs, la possibilité de faire essayer en face son jeu, et la proximité avec le public. En somme, il lui semble peu raisonnable d’exiger des petits studios qu’ils affrontent les gros cuirassés comme EA ou Ubisoft sur leur terrain, c’est-à-dire engager un gros cabinet de communication pour obtenir des pages ou encarts dans les gros médias du milieu. En revanche, et il pense en cela aux années 80-90 européennes, celles de la quasi-auto-édition sur micro-ordinateur et du magasin de jeux du quartier qui laissait essayer les démos, c’est (parallèllement aux incontournables salons) par le contact, la proximité, le bouche-à-oreille et les petites animations comme le Cube que des studios indépendants ont des chances de pouvoir faire parler d’eux.

Autrement dit, aux gros les grosses campagnes médiatiques, aux petits des moyens mieux appropriés et l’expansion du cercle par la communication, d’abord aux proches, puis via les réseaux sociaux, les amis des amis etc. C’est visiblement de cette manière d’ailleurs que Tourmaline a pu faire tester Oniri Islands, obtenir des retours et faire connaître le produit à un peu tout le monde.

En un mot comme en cent, je retire de ce goûter au Cube une expérience ludique en trois dimensions, dans un univers qui m’apparaît fascinant, et une équipe qui a très mûrement réfléchi son concept, les possibilités et limites des supports, et qui a voulu permettre aux enfants un « premier jeu vidéo » qui ne les aspire pas trop vite dans l’univers du pad relié à l’écran, voire du « tout-avec-un-doigt » des tablettes, et surtout qui permette de maintenir du lien jusque dans le divertissement. Un jeu qui soit aussi un jouet, un jeu qui ne se limite pas à des « niveaux », des « scores », une histoire interactive à vivre et à jouer et qui pourra servir d’introduction aux jeux de rôle, d’aventure, tout en rappelant que c’est toujours meilleur quand on joue ensemble. « Tu as tout compris », a conclu Marion. Tout est dit.

Je me permets de vous rafraîchir la mémoire : le Kickstarter d’Oniri Islands prendra fin le 18 avril prochain, et ils sont déjà à 64% financés. L’objectif de 30000CHF qu’ils se sont fixés est raisonnablement réalisable dans les (environ) deux semaines qui restent sans trop de problèmes alors n’hésitez pas à en parler autour de vous si le jeu vous tente vous aussi.

Enfin, vous trouverez ci-dessous leur bande-annonce Kickstarter qui vous explique tout (en anglais sous-titré) sur le jeu.

Les photos du goûter samedi 18 mars sont ©Le Cube, Issy-les-Moulineaux. Les concept-arts et photos des figurines sont ©Tourmaline Studio. Encore merci de m’avoir autorisé à les partager ici.

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Par Cyclobomber

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