Monster Hunter est une licence de jeux vidéo où vous contrôlez à la 3e personne un chasseur de monstres géants, lesquels sont inspirés de créatures mythologiques ou de dinosaures. Pour ce faire, vous disposez d’une arme colossale à la hauteur de la tâche, choisie parmi un arsenal composé de plus d’une douzaine d’entre elles qui ont chacune un style de jeu complètement différent. La boucle de gameplay consiste à traquer un monstre, le vaincre et utiliser les matériaux prélevés sur son corps pour créer et améliorer des armes et des armures.
C’est une formule bien rodée qui a été testée, approuvée et améliorée au cours des dernières décennies avec une belle régularité dans la qualité. Cependant, le dernier épisode de la franchise, probablement l’un des jeux les plus attendus de l’année, a subi un énorme revers critique, en particulier de la part des joueurs. Il est actuellement en évaluation moyenne sur Steam, ce qui est assez rare.
Toutefois, alors qu’on aurait pu s’arrêter là et se dire que ce n’est qu’un AAA de plus qui flop, on peut voir un immense engouement se former autour du jeu sur les réseaux. Le jeu s’est extrêmement bien vendu en battant plusieurs records et semble avoir trouvé un large public qui l’apprécie réellement.
Alors que peut-on en dire ?
Remise en contexte
Les jeux de la licence Monster Hunter sont édités et développés par Capcom. Capcom en 2015, c’est l’éditeur de Street Fighter : le jeu de combat le plus emblématique de l’esport. Et c’est aussi celui de Resident Evil, la licence titanesque qui a marqué une génération, dont chaque opus est un raz de marée commercial. Et Monster Hunter à ce moment-là, c’est une licence plutôt niche. Ça se joue sur console portable et se destine à une communauté de joueurs hardcore qui n’ont pas peur d’en baver et d’avoir à passer des centaines d’heures à apprendre à jouer.
Pendant les années qui suivent, Street Fighter se fait grignoter par la concurrence et sa communauté vieillit et s’amenuise et Resident Evil change sa formule et se transforme totalement et malgré un bon accueil, il devient beaucoup moins marquant.
C’est à cette période que Monster Hunter : World sort sur PC et obtient un succès unanime. Il est magnifique, car il dépasse les limitations des consoles portables, spectaculaire, profond dans son système de progression, propose un contenu infini et un gameplay sans égal. Et malgré une orientation vers une difficulté très poussée, il va vite devenir le jeu le plus vendu de Capcom. Monster Hunter, avec “World” devient alors la licence numéro 1 chez Capcom, et l’opus suivant Monster Hunter : Rise qui est pourtant sorti sur Switch fait des ventes qui écrasent celles de chaque Resident Evil.
L’objectif de Capcom
Capcom veut évidemment réitérer l’exploit et ouvrir sa plus grosse licence à un public toujours plus large sans pour autant perdre la nouvelle communauté qu’elle a réussi à fidéliser. Pour cela, ils réduisent la difficulté des combats et diminuent la durée des quêtes en rendant les monstres plus fragiles. Désormais, au lieu de longues chasses d’une bonne demi-heure, on passe sur des parties d’une dizaine de minutes.
De plus, de nombreuses modifications sont apportées, pêle-mêle :
- Doublages pour le personnage principal qui était muet dans les opus précédents.
- Ajout de nombreuses cinématiques.
- Une vraie histoire.
- Le jeu devient un open world.
- Une monture amène automatiquement le joueur sur le monstre, supprimant ainsi la traque et permettant d’emmener une deuxième arme pour s’adapter au milieu d’une chasse.
- Amélioration de la qualité des visuels et des animations.
- Le monde devient très vivant avec des animaux qui ont leur cycle de vie, des carcasses qui se décomposent et des prédateurs qui chassent.
Des changements qui peuvent sembler de bon augure mais…
Seulement tout ne se passe pas comme prévu
La réduction drastique de la difficulté démystifie les monstres, transformant l’expérience initiale de combat titanesque hyper satisfaisante en un simulateur de victimisation de sacs de frappe à écailles. Les erreurs ne sont plus punies, ne poussant pas le joueur à chercher des leviers de progression. La différence entre une bonne performance et une chasse difficile ne se fait plus en dizaines de minutes et en un potentiel échec, mais en une poignée de minutes, ce qui rend flou le sentiment de progression. Le plaisir grisant qu’on ressentait dans Monster Hunter : World en abattant un monstre s’est donc beaucoup estompé.
Et ce n’est pas le seul changement qui échoue à créer l’alchimie.
L’histoire ne réussit pas à accrocher la plupart des joueurs, les dialogues ne sont pas assez percutants, et le scénario manque de sens. De plus, le doublage du personnage principal n’apporte pas grand-chose, car il n’a pas réellement une place de personnage principal. Il est relégué au second plan dans la plupart des dialogues importants au profit du petit garçon qu’on rencontre au début. Le personnage joueur n’a donc pour rôle que celui du gros bourrin qui éclate chaque monstre qui se trouve sur son passage, sans que cela ait forcément un sens, dans une histoire qui cherche cependant à en donner à tout (sans succès).
L’abondance de cinématiques devient vite une plaie, car on se retrouve avec cette impression d’avoir 10 min de gameplay pour 30 min de cinématique un peu molle. Le jeu vidéo est un divertissement qu’on pratique pour la possibilité d’interagir avec celui-ci, surtout dans le cas d’un jeu d’action et de combats comme Monster Hunter. Ici, on gave le joueur de cinématiques d’une histoire dans laquelle il n’a pas son mot à dire et avec lesquelles aucune interaction n’est possible.
Le jeu se veut un air d’open world, mais ne fait qu’amalgamer quelques régions, équivalentes dans l’ambition à celles de World, reliées par des petits couloirs étriqués qui sont ignorés au profit du voyage rapide. Ces régions sont foisonnantes de détails qui pourraient provoquer un grand sentiment d’émerveillement. Seulement, il est très facile de passer à côté en utilisant la monture, avec son GPS intégré, qui amène le joueur sur le monstre sans qu’il ait besoin de regarder son écran.
La monture part, elle aussi, d’une bonne intention. C’est vrai que traquer le même monstre pour la 15ᵉ fois pour le combattre encore et peut-être cette fois avoir ce matériau rare tant désiré pouvait être insupportable dans les opus précédents. Cependant, elle supprime une partie du gameplay qui donnait son charme à la franchise, un entre deux aurait été préférable.
La possibilité d’emmener une deuxième arme semble aussi être un flop. Les capacités des armes sont souvent en synergie avec celles de l’armure du joueur, hors, il ne peut pas changer d’armure en cours de route pour matcher avec sa deuxième arme. En ajoutant à cela que n’importe quelle arme est efficace sur n’importe quel monstre et que rappelez-vous, le jeu ne propose de toute façon que peu de challenge. Alors pourquoi chercher à s’adapter au dernier moment ?
La qualité des visuels et des animations ont été drastiquement augmentés. Vous voyez venir le “mais” ? Le jeu est (pour l’instant seulement, je l’espère) très mal optimisé, donc pour jouer avec fluidité il faut baisser la qualité graphique, ce qui le fait malheureusement tomber dans la catégorie “pas si beau que ça”.
Le vrai problème
En revanche, il y a une chose que Capcom n’a pas essayé de changer et qui a même empiré : le menu. Il comporte des dizaines de sections et de sous-sections, elles se ressemblent les unes les autres, font parfois la même chose ou presque que leur voisine. Le tout en mélangeant les fonctionnalités de personnalisation liées au support clavier+souris ou manette.
Pour accéder à certaines pages de ce menu tentaculaire, qui comportent des fonctionnalités aussi essentielles que de rejoindre la partie d’un ami, il faut parfois parler à un personnage non-joueur. Ce PNJ ne se trouve pas toujours au même endroit dans le camp de base, il arrive même qu’on ne puisse pas lui parler pendant 30 secondes, car il marche tranquillement pour aller s’asseoir à son spot.
Pour un jeu vendu, conçu et perçu comme une expérience coop, le système de multijoueur est exécrable. Réussir à rejoindre la partie d’un ami est un périple dans les menus en une douzaine d’étapes et plusieurs temps de chargements. Étapes qu’il faut recommencer pour chaque nouveau monstre de l’histoire et chaque chasse en général, car vous êtes éjecté de sa partie à chaque fin de mission. Oui, chaque monstre est une mission dans un jeu de chasse en open world. Une fois dans la partie de votre ami, il n’est toujours pas garanti de voir son personnage apparaître à côté de vous, c’est au petit bonheur la chance.
Ces problèmes ne sont pas nouveaux et existent, au moins, depuis Monster Hunter : World. Ils provoquent un sentiment d’être constamment entravé par le menu, tout devient pesant, long et fastidieux à cause de celui-ci. Et il s’agit d’un problème que Capcom doit régler pour qu’il ne devienne pas un repoussoir pour les nouveaux joueurs. Un challenge élevé ne rend pas un jeu inaccessible, au contraire, il crée un défi séduisant. En revanche, une interface lourde et fastidieuse est souvent la cause d’une lassitude prématurée d’un nouveau joueur qui sera épuisé mentalement par ses sessions de jeu et qui n’aura pas la volonté de passer outre.
Tout de même une réussite
Mais en fait si Monster Hunter : Wilds mérite qu’on parle de ses défauts c’est car on veut le voir devenir le chef d’œuvre dont il a le potentiel. Ce qui est réussi l’est tellement que malgré d’énormes défauts, il reste excellent. Il a atteint un potentiel qui n’est accessible qu’à une formule qui se perfectionne sans stagner depuis plus de vingt ans. Un niveau de détails et une qualité de game design qui lui permettent de toujours repousser les limites de l’expérience de jeu qu’il propose. C’est ce dont le marché des AAA a besoin, des grands changements osés qui ne visent pas toujours dans le mille mais permettent d’apprendre beaucoup à chaque itération. Et si une chose est sûre c’est que Monster Hunter : Wilds, comme son grand frère World s’améliorera avec le temps pour surmonter ses défauts, mises à jour après mises à jour. La première d’entre elles arrive dans 6 jours, à peine deux mois après sa sortie, avec la promesse de nouveaux défis et d’une avalanche de contenu.