Vieillir, c’est mal. Ou pas. Je garde encore un souvenir agréable et ému de mes soirées jeu de rôle entre amis. Un livre de maître du jeu, quelques dés, un crayon et c’était parti. Quelques années plus tard, pouvoir retrouver un peu de ces sensations sur support numérique enlève bien entendu la magie conviviale du moment. Mais cette possibilité s’avère tout aussi pratique qu’agréable. C’est donc avec un a priori positif mais aussi une certaine curiosité que je me suis lancé dans l’aventure du titre développé par les Québecois de Frima Studio et édité par Kalypso média, Disciples : Liberation. « Les actes d’abord, les regrets plus tard ! »
En avant pour l’aventure, ta tata taaa !
L’univers de Disciples : Liberation est classique et efficace, mais surtout accrocheur. La narration y est extrêmement bien travaillée, et constitue à coup sûr le point fort du titre. C’est simple, je n’avais pas trouvé de récit autant structuré et fouillé depuis The Witcher III. L’univers répond à tous les standards de l’Heroic Fantasy. L’ambiance, tant sur le fond que sur la forme, rappelle les premiers épisodes de Diablo et les plus belles heures de Baldur’s Gate. Que d’excellentes inspirations, donc. Dans le même ordre d’idée, notez que l’atmosphère, l’histoire et les dialogues (doublés en Français), le destinent clairement à un public averti.
Et l’histoire, justement, vous met dans la peau d’Avyanna la guerrière, « enfant du fer et du ciel ». Bien que l’aventure se déroule essentiellement dans le monde de Nevendarr, elle aspire à rebâtir et à repeupler la cité perdue d’Yllian. L’entrée en matière est aussi brutale qu’originale, puisqu’elle consiste en une tentative d’assassinat menée par notre héroïne mais qui tourne mal. Cet événement sera aussi l’occasion pour Avyanna de se découvrir détentrice de certains pouvoirs, puis de commencer une succession de questions et de choix cornéliens.
Disciples Fantasy Tactics
Disciples : Liberation cumule deux systèmes de jeu. Tout d’abord, une gestion RPG des plus traditionnelles : gestion d’inventaire, arbre de compétences, exploration à pied ou à cheval, etc. La principale distinction ici se situera au niveau de la classe dont vous affublerez Avyanna (mercenaire ou sorcière, par exemple). En fonction de cette dernière, les compétences et sorts disponibles varieront très franchement.
En parallèle, vous serez également amené à gérer une petite armée, en la personne de vos compagnons de voyage et des troupes qui vous accompagnent : recrues, positionnement tactiques, entraînement, etc. L’objectif de cette micro-gestion sera de gérer au mieux le deuxième point-clé du game system : des combats au tour par tour, à la façon des Tactical-RPGs. Ceux-ci constituent une très large part du déroulement du jeu. Cumulant à la fois très bonne lisibilité et bon niveau stratégique, ils sont indiscutablement réussis.
Disciple : Liberation se permet malgré tout d’intégrer deux petites spécificités. Tout d’abord, vos actions et vos choix influenceront vos relations avec les quatre différents royaumes du jeu : l’Empire, la Légion des Damnés, l’Alliance Elfique ou et les Mort-Vivants. Etre ami avec certains acteurs vous donnera accès à certains coffres ou certaines zones. Etre ennemi avec d’autres impactera le scénario et générera des combats supplémentaires. Certains de vos acolytes ont également un statut privilégié, les « compagnons ». Vous pouvez influencer leurs interactions, à votre égard ou entre eux.
Ressortez le plateau, les pions et les dés à dix faces
Forte d’une grande expérience dans le domaine, l’équipe de développement a à l’évidence tout mis en œuvre pour rendre l’expérience la plus fluide et la plus agréable possible. Le point le plus notable à ce sujet concerne la possibilité de zapper (comprendre : gagner automatiquement) les combats lorsque le niveau des adversaires est explicitement très inférieur à celui de votre équipe. Tous les pratiquants de jeux de rôle vidéoludiques ayant déjà subi de longues phases de level up fastidieux verront de quoi je parle.
L’ergonomie a aussi été très bien adaptée au passage sur console et pad. Toutes les manipulations sont réalisables de manière très fluide et intuitive. Dans l’ensemble, le jeu n’innove donc en rien, mais compile agréablement les mécaniques habituelles du genre. Tout y est très bien exécuté, et les adeptes des titres classiques façon Donjons & Dragons seront aux anges.
Je dois confesser très peu connaître les opus précédents de la série Disciples. Il semble que le scénario de cet épisode manque parfois d’originalité par rapport aux précédents. Du coup, je n’ai évidemment pas été confronté à ce souci. Mais très franchement, le titre antérieur datant de 2011, je suppose que ça n’est pas vraiment un problème.
L’aventure presque parfaite
Alors, que pourrait-on reprocher à Disciples : Liberation ? Peut-être son approche classique, qui le rend à la fois accessible et efficace, mais qui pourra également être perçue comme un défaut, faute de réelle originalité. Il faut reconnaître que le scénario a régulièrement des airs de déjà-vus, et que les affrontements souffrent de redondance.
Ensuite, sa réalisation graphique, pas exempte de défauts. L’aspect un peu granuleux de la direction artistique risque de ne pas plaire à tout le monde. Les cinématiques datent clairement d’un autre âge. Une grande partie de la narration et des dialogues passeront par la case lecture, rebutante pour certains en 2021. Sans être réellement gênants, des bugs d’affichage surviennent régulièrement, clipping en tête. Certains bugs sonores apparaissent également de temps en temps, tels qu’un interlocuteur qui se met à parler dans une autre langue que celle sélectionnée par vos soins, par exemple.
Un long fleuve pas vraiment tranquille
La durée de Disciples : Liberation, d’environ quatre-vingt heures, est plutôt énorme. Néanmoins, elle dépendra énormément de votre manière d’appréhender le jeu. En ligne droite et sans réaliser les quêtes annexes, il peut être bouclé en une bonne quarantaine d’heures soit la moitié. Pratiquer le titre de cette manière est tout à fait possible et même tentant au bout d’un moment. Car le parcours de toutes les quêtes peut avoir tendance à le rendre très répétitif, ou trop facile la faute à un gain d’XP un peu trop généreux.
D’un autre côté, il faut reconnaître à nouveau que l’univers général est plutôt attachant. L’envie d’explorer l’ensemble des quêtes prend souvent le dessus. Tout comme la curiosité de changer la classe de notre héroïne et de découvrir les cinq fins différentes du jeu. De cette manière, la durée de vie de l’ensemble peut à l’inverse aisément tripler.