Derrière ses graphismes enfantins et son apparence minimaliste, Iris and the Giant, créé par Louis Rigaud et édité par Goblinz Publishing, est bien plus qu’un simple jeu de stratégie solo. Ce jeu, mêlant deckbuilding et combat tactique, plonge les joueurs dans une expérience qui aborde des thèmes graves comme le harcèlement, la dépression, et l’isolement. Bien que son esthétique puisse rappeler les œuvres destinées aux plus jeunes, il s’agit bien d’un jeu destiné à un public averti, car les émotions et le récit qui y sont explorés touchent à des aspects sombres de la psychologie humaine.
Un voyage vers le subconscient d’Iris
L’histoire d’Iris commence par une scène douloureuse : une jeune fille se rendant à la piscine avec son père. On découvre rapidement qu’Iris ne va pas bien du tout, et à travers ses pensées, le joueur comprend l’ampleur de sa souffrance. Elle saute à l’eau et semble vouloir s’y laisser couler, exprimant la profondeur de sa tristesse par des mots qui résonnent avec force. Elle décrit ce moment comme celui où elle sent « le liquide de sa tristesse s’engouffrer dans ses poumons », marquant le début de son voyage intérieur. Elle se retrouve alors sur le Styx, le mythique fleuve des enfers, face à un géant rouge endormi. Iris, représentée en bleu tout au long du jeu, décide d’affronter ce géant, symbole de ses propres peurs et angoisses, dans un périple où chaque combat reflète un aspect de sa lutte contre les démons de la vie réelle.
Des cartes pour affronter ses démons
Dans Iris and the Giant, les combats se déroulent sous forme de deckbuilding. Les cartes qu’elle possède, rangées dans son sac à dos, représentent les armes psychologiques et symboliques de cette jeune fille face à ses démons. Le jeu se construit autour de cartes éphémères : une fois utilisées, elles disparaissent, sauf quelques rares exceptions. Il est donc essentiel pour le joueur de gérer son stock et de chercher régulièrement à récupérer de nouvelles cartes dans des coffres ou en volant celles des ennemis pour ne jamais être à court. La construction de deck, ou « deckbuilding », prend ici une place centrale, où chaque carte a un rôle spécifique dans l’arsenal d’Iris.
Les cartes vont des épées et poignards pour le corps à corps, aux arcs pour attaquer à distance, et certaines cartes permettent des interactions plus complexes. Le fouet, par exemple, ne se limite pas à infliger des dégâts : il peut aussi voler des boucliers aux ennemis ou déplacer les pièges pour les retourner contre eux. Les Faux et Serpes permettent quant à elles de voler des cartes puissantes, comme la carte Vague qui brise les armures et affaiblit les archers, ou l’amas de flèches qui impacte l’ensemble du plateau. Chaque choix de carte devient donc stratégique, et le joueur est sans cesse encouragé à adapter son jeu aux ennemis rencontrés.
Un symbole puissant : la carte « Non »
Parmi les cartes les plus marquantes, la carte « Non » tient une place spéciale. Iris, avec une force inattendue, hurle un « Non » qui ravage l’écran en un cri libérateur, effaçant tous les ennemis présents. Ce cri de refus est lourd de sens : il incarne le premier pas vers une nouvelle vie pour Iris, le courage de dire « Non » à ses harceleurs. Ce mot, que l’on pourrait prendre pour une simple mécanique de gameplay, devient ici un symbole de résilience, montrant qu’elle trouve la force intérieure de se défendre. C’est une arme contre la douleur, une expression d’indépendance, et l’un des nombreux moments où le joueur ressent la puissance émotionnelle que ce jeu peut véhiculer.
Un monde symbolique et des ennemis allégoriques
Le plateau de jeu, où chaque niveau peut varier en taille et en disposition, sert de scène où Iris affronte ses peurs. Les ennemis qui peuplent ces cases sont représentés par des figures familières aux angoisses de l’enfance et du quotidien. Les chats, par exemple, sont souvent armés d’épées, d’arcs ou de bombes, incarnant des adversaires rusés et dangereux. Les chauves-souris, quant à elles, servent de boucliers aux ennemis adjacents, et les golems ressemblent à des créatures cauchemardesques de pierre, transformant les peurs enfantines en monstres réels. Chaque ennemi a des forces et des faiblesses, et certains nécessitent des tactiques précises pour être vaincus. Ce monde fantasmagorique, qui ne ressemble à aucun autre, est aussi parsemé de détails symboliques liés à l’univers d’Iris et à ses propres angoisses.
Des éléments de progression riches et variés
La progression d’Iris s’accompagne de points d’expérience, symbolisés par le courage qu’elle acquiert à chaque ennemi vaincu. En accumulant suffisamment de points, elle débloque des compétences qui renforcent son gameplay. Ces compétences incluent la possibilité d’augmenter la taille de sa main de cartes, de recycler des cartes de temps en temps, ou encore d’améliorer les capacités des cartes elles-mêmes. Mais ce n’est pas tout. Iris and the Giant ajoute une dimension supplémentaire avec aussi les gemmes, le rubis qui fait référence au collier que sa maman lui a offert pour affronter ses démons. Ces gemmes permettent elles aussi d’obtenir de nouvelles capacités.
Au fil du jeu, Iris pourra progresser aussi en obtenant des pouvoirs magiques. Ces pouvoirs sont débloqués en vainquant des boss plus puissants et emblématiques, qui marquent les étapes les plus cruciales de son voyage. Ces pouvoirs, souvent marqués par des étoiles obtenues à chaque victoire de boss, permettent à Iris d’accroître ses capacités au fur et à mesure, lui offrant de nouvelles manières de lutter contre ses peurs. C’est une transformation non seulement de son potentiel de jeu, mais de sa force intérieure, marquant un cheminement vers la résilience et le courage.
Reste que même avec cet arsenal le jeu n’est pas évident. Heureusement Iris pourra compter sur l’aide du Géant pour peu qu’elle ait trouvé des jetons du géant, qui permettent à Iris de bénéficier de secondes chances. Si elle perd toute sa volonté, qui représente ses points de vie, ou si elle épuise toutes ses cartes, c’est comme si elle n’avait plus d’armes pour faire face à l’adversité. Dans ce cas le géant (qui n’est pas l’ennemi) vient l’aider et lui permet de recommencer un niveau difficile.
Tout un monde caché
En plus de son gameplay tactique, Iris and the Giant offre une dimension d’exploration qui enrichit chaque partie et encourage le joueur à prendre des chemins différents. Chaque niveau propose un escalier permettant de progresser, mais il ne s’agit souvent que du chemin le plus évident. Avec un peu d’attention, on peut découvrir des passages secrets et des raccourcis, souvent cachés derrière des blocs de granit à briser ou des chemins alternatifs à explorer.
Ces chemins secondaires mènent parfois à des niveaux trésors, où l’on peut dénicher des cartes précieuses ou des équipements rares pour renforcer Iris dans sa quête. Ces niveaux sont conçus pour récompenser l’exploration et la curiosité, ajoutant un sentiment d’accomplissement pour ceux qui s’éloignent du parcours linéaire.
Il existe également des niveaux défis, accessibles par des passages cachés, où des puzzles attendent le joueur. Ces défis exigent une compréhension fine des cartes et de leurs capacités, car l’objectif est souvent de vaincre des ennemis sans subir de dégâts. Réussir ces défis récompense le joueur par des coffres contenant des cartes spéciales, idéales pour renforcer son deck de manière significative.
Ces chemins alternatifs ajoutent de la rejouabilité et incitent le joueur à explorer davantage pour découvrir des niveaux spécifiques, comme le niveau 7B ou des passages encore inconnus, pour enrichir l’expérience de jeu. Ce système de multiples itinéraires permet à chaque partie d’être différente, rendant chaque run unique et renouvelant sans cesse l’envie de découvrir ce que le jeu a encore à offrir.
Les souvenirs et la mécanique du roguelite
Les souvenirs trouvés au cours des niveaux révèlent progressivement l’histoire d’Iris, ajoutant un aspect roguelite qui donne envie de recommencer. Chaque souvenir amène des informations sur son passé, la façon dont elle a été harcelée, les moments difficiles qu’elle a vécus et le manque de compréhension de son entourage, malgré les efforts de ses parents. À chaque nouveau run, ces souvenirs débloquent aussi des bonus permanents, augmentant ainsi les chances de survie dans les runs suivantes. Ces bonus, une fois choisis parmi un large éventail, permettent de préparer sa partie selon les leçons apprises lors des précédents parcours.
L’aspect roguelite se retrouve aussi dans les compagnons d’Iris, qu’on peut débloquer en réussissant des défis spécifiques, comme arriver à un certain niveau sans utiliser de cartes d’attaque spécifiques. Ces compagnons, une fois débloqués, renforcent également l’expérience, offrant un soutien unique à chaque nouvelle tentative de progression.