L’automne a ce quelque chose de fascinant. Ses couleurs chaudes, son vent frais, son odeur de feuilles mortes… et son parfum de fin de cycle. C’est une saison de transition, un passage, un moment suspendu où la nature s’endort lentement, où tout semble prêt à basculer vers l’inconnu.
C’est dans cette ambiance que nous plonge Automnal, un comic horrifique écrit par Daniel Kraus et illustré par Chris Shehan, avec les couleurs de Jason Wordie. Si le nom de Daniel Kraus te dit quelque chose, c’est normal : il a coécrit La Forme de l’Eau avec Guillermo del Toro, et il a aussi signé des romans comme Rotters, The Death and Life of Zebulon Finch ou encore Trollhunters. Il est connu pour son goût prononcé pour l’étrange, pour les récits où l’horreur se tisse lentement dans le quotidien avant d’exploser.
Avec Automnal, il s’attaque à un genre bien particulier : le folk horror, ce sous-genre où le folklore, la nature et les traditions anciennes prennent le pas sur l’humain. Ici, l’horreur ne vient pas d’un monstre caché sous le lit, mais d’un village qui vit selon ses propres règles… et où l’on ne rentre pas sans conséquence.
Un retour aux sources… dans l’antre de l’horreur
Kat Somerville est une mère célibataire, en galère comme tant d’autres. Quand elle hérite d’une maison dans la ville de Comfort Notch, elle y voit une opportunité. Un moyen de prendre un nouveau départ, de fuir un passé compliqué et d’offrir à sa fille Sybil une vie meilleure.
Mais dès leur arrivée, un malaise s’installe.
La ville est trop parfaite. Ses habitants sont trop chaleureux, trop souriants. Et puis, il y a ces feuilles mortes, partout, qui semblent tapisser chaque centimètre carré de la ville, comme si elles refusaient de disparaître. Comfort Notch est une prison dorée, où l’automne ne finit jamais.
Une héroïne qu’on ne peut pas ignorer
Kat n’est pas une héroïne modèle. Elle est rugueuse, imparfaite, marquée par la vie. Elle ne cherche pas à plaire, elle tente juste de survivre. On ne l’aime pas forcément, mais on ne peut pas s’empêcher d’avoir de la peine pour elle et pour Sybil. Elles ne veulent qu’une chose : tourner la page, reconstruire quelque chose. Et pourtant, Sybil, catalyseur de toute cette horreur, n’est jamais véritablement une actrice du récit. Elle est une excuse, un déclencheur, un élément qui justifie le cauchemar qui va se déchaîner sur elles.
Une horreur humaine avant tout
L’horreur d’Automnal n’est pas gratuite. Elle ne repose pas sur des monstres ou des esprits vengeurs, mais sur quelque chose de beaucoup plus insidieux. Ce qui fait peur ici, ce n’est pas la nature, mais ceux qui la contrôlent. Le folk horror, c’est ça : une horreur rurale, ancienne, enracinée, où la communauté suit des traditions obscures, où l’on fait des sacrifices au nom d’un ordre immuable. On pense à Midsommar, à The Wicker Man, à Pique-nique à Hanging Rock… des récits où l’isolement devient une menace, où l’étrange s’impose comme une évidence.
Dans Automnal, la ville elle-même est un piège. Kat mène son enquête, tente de comprendre ce qui se joue ici, mais chaque découverte resserre un peu plus l’étau. Il ne s’agit pas seulement d’un mystère à résoudre, mais d’un engrenage qui tourne depuis des décennies… et qui ne peut être stoppé.
Une direction artistique oppressante
Graphiquement, Automnal est une réussite totale. Chris Shehan capte l’essence même de l’automne, avec ses couleurs saturées, ses ombres qui s’étirent, ses lumières dorées qui contrastent avec l’horreur sous-jacente. Jason Wordie, lui, joue avec les tons orangés et bruns pour envelopper le récit dans une chaleur trompeuse, faussement réconfortante, qui ne fait que renforcer le malaise. Chaque case est imprégnée de cette sensation de pourrissement lent, d’un automne qui ne prépare pas à l’hiver, mais à quelque chose de bien pire.
Une fin inévitable, comme gravée dans les feuilles mortes
Et puis il y a cette fin. Sans détour, sans interprétation possible. Pas d’échappatoire, pas de retour en arrière. Tout est scellé dès le début, et lorsque les dernières pages tombent, on comprend qu’il n’y a jamais eu d’autre issue. Automnal ne fait pas dans le spectaculaire ou dans le gore, il distille son horreur lentement, jusqu’à cette révélation implacable. On referme la BD avec une sensation de fatalité, une certitude : Comfort Notch continuera d’exister, et d’autres viendront remplir les pages de son histoire.
À qui s’adresse Automnal ?
Si tu cherches une BD horrifique qui prend aux tripes, où la tension ne faiblit jamais, où le malaise grandit à chaque page, alors Automnal est fait pour toi. Son mélange de drame familial, d’horreur sociale et de cauchemar éveillé en fait une œuvre marquante, une lecture qui ne te lâchera pas une fois refermée. C’est un récit dans la lignée des meilleurs Stephen King, mais avec cette patte folk horror qui le rapproche de The Wicker Man ou Midsommar.
⚠️ Public averti : Automnal est une lecture dure, psychologiquement éprouvante. Si tu veux du frisson subtil, de la tension constante et un récit où l’espoir n’a pas sa place, alors fonce.
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