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L’Amerzone – Le testament d’un monde oublié, brillamment ressuscité

Il y a des souvenirs de joueurs qui restent, même après vingt-cinq ans. Des titres qu’on n’a peut-être faits qu’une seule fois, mais qui ont laissé une marque profonde. Pour moi, L’Amerzone : Le Testament de l’Explorateur, c’est ça. Un jeu sorti à la fin des années 90, imaginé et illustré par Benoît Sokal, initialement pour le PC, puis adapté sur PlayStation. Un jeu conçu dès le départ pour tirer parti des capacités du CD-ROM, cette révolution qui permettait d’intégrer de la vidéo, des voix, de la musique… tout ce qu’une disquette ne pouvait contenir.

Et ce n’était pas un simple jeu. C’était un récit interactif, un voyage visuel et sonore, une invitation à explorer un univers dense et original.

Un projet pensé pour le jeu vidéo

Ce qui frappait avec L’Amerzone, c’est qu’il n’était pas une adaptation, ni un roman illustré. C’était une œuvre conçue dès le départ pour le jeu vidéo, et uniquement pour ce médium. Il y avait bien eu des tentatives similaires avant ou en parallèle (Les Orphelins de Perdide, Les Orques, etc.), mais jamais avec autant de cohérence entre la narration, l’ambiance et l’interactivité.

Contrairement à un Myst, très exigeant côté puzzles et parfois long jusqu’à l’essoufflement, L’Amerzone optait pour un équilibre : il y avait bien quelques énigmes, mais elles ne prenaient jamais le dessus. On était dans une logique d’exploration narrative, plus que dans un challenge intellectuel pur. Le jeu voulait nous faire voyager, plus que nous faire jouer.

Et ça marchait. Le jeu n’était pas long – aujourd’hui, un longplay dure à peine 1h50 – mais l’expérience restait marquante. J’y ai joué sur PC, puis sur PlayStation. Je me souviens encore de certains passages où il fallait cliquer au pixel près. C’était parfois fastidieux, mais aussi gratifiant. Et surtout, on y sentait la patte artistique de Sokal partout.

Le grand retour – et pas juste un remaster

Alors quand j’ai vu à la Gamescom que L’Amerzone revenait, j’étais à la fois curieux et méfiant. Beaucoup de remakes se contentent d’un léger coup de peinture. Mais là, c’était tout autre chose. Microïds a décidé de tout refaire, entièrement. Nouveau moteur, nouveaux modèles, nouvelle ambiance sonore. Ce n’est pas un remaster : c’est une refonte complète, fidèle à l’œuvre d’origine mais pensée pour 2024.

Et j’ai eu la chance de l’essayer sur PlayStation 5. Le résultat ? Impressionnant.

Une modernisation respectueuse et intelligente

Le phare d’ouverture, qu’on reconnaît instantanément, m’a coupé le souffle : immense, majestueux, détaillé, rendu avec une lumière sublime. Et ce n’est que le début. Les environnements de L’Amerzone sont tous magnifiques, mais le moment où l’on découvre le camp des Amérindiens m’a particulièrement marqué. Visuellement, c’est photographique, presque pictural. Une claque graphique.

L’ambiance sonore n’est pas en reste. Les sons de la jungle, du vent, des oiseaux, tout est ciselé, naturel. On est immergé dès les premières minutes.

Et surtout, le gameplay a été affiné avec soin. On est toujours dans un jeu à navigation à 360 degrés, on tourne sur nous-même, scène après scène, sans déplacement libre. Ce n’est pas un FPS, et c’est très bien comme ça. Mais la modernisation vient dans les détails.

Ce qui change concrètement :

  • Option de surbrillance via une touche de la manette : on peut afficher les zones interactives de l’écran. Fini les clics au hasard ou la chasse au pixel parfait.
  • Mini-zoom disponible également via la manette : si un document ou un tableau est un peu loin, on peut zoomer sans s’approcher. Pratique, fluide, et agréable.
  • Déplacements instantanés entre zones déjà visitées, si vous avez trouvé la carte du lieu. Là encore, c’est un ajout moderne qui ne trahit pas l’original.

Des énigmes supplémentaires… pas toujours nécessaires

Pour enrichir un peu l’expérience, de nouvelles énigmes ont été intégrées. Pas trop dures, jamais frustrantes. Il s’agit souvent d’activer un mécanisme, de comprendre une séquence simple. Elles ont clairement été pensées pour allonger la durée de vie, ce que je comprends. Mais personnellement, ayant déjà fait le jeu il y a 25 ans, j’avais surtout envie de retrouver l’histoire et les lieux.

Alors oui, parfois, ces puzzles m’ont un peu ralenti. Ce n’est pas qu’ils soient mauvais. Mais ils étaient parfois un peu trop expliqués, et n’apportaient pas toujours une vraie valeur. Cela dit, pour un nouveau joueur, ils donnent du rythme, et ça fonctionne.

Le postier, fidèle au poste

Petit clin d’œil important pour ceux qui, comme moi, ont une bonne mémoire auditive : le doubleur du postier est le même qu’en 1999. Tous les autres rôles ont été réattribués (la vie avance, vingt-cinq ans ont passé…), mais cette voix-là est intacte, et ça m’a franchement ému. C’est un pont entre les époques, une petite madeleine audio qui fonctionne à merveille.

Du contenu bonus et du metagame intelligent

Ce que j’ai vraiment trouvé malin, ce sont les ajouts de contenu qui ne touchent pas à l’histoire mais enrichissent l’expérience. Vous trouverez par exemple :

  • Des objets à collecter (anneaux, statues, artefacts) qui ne servent à rien pour avancer, mais qui débloqueront des succès.
  • Un livre d’enquête dans lequel vous pouvez regrouper des faits et tirer des conclusions (autre nouveauté par rapport à l’original).
  • Des succès bien pensés, qui ne se limitent pas à “finir le jeu”, mais vous incitent à explorer à fond, fouiller, observer, réfléchir (pourquoi on me donne un anneau près d’un volcan?).

C’est rare de voir un jeu d’aventure pousser la rejouabilité par le metagame. Et là, ça marche. Ce ne sont pas des ajouts gratuits. C’est bien dosé, jamais forcé.

Un hommage vibrant à Benoît Sokal

Ce remake est aussi un hommage à son créateur. Les dessins originaux de Sokal, ses croquis, ses notes… tout cela est intégré dans l’expérience. On ne joue pas seulement à L’Amerzone : on découvre sa genèse. Le livre de l’explorateur est rempli de textes superbes, à la typographie élégante, avec des extraits du lore, des visions du monde imaginaire qu’il avait conçu. C’est presque un artbook interactif.

Et moi, j’ai adoré ça. J’ai adoré revivre cette quête pour rapporter l’œuf blanc, replonger dans ce monde étrange, mélancolique, où les personnages tentent parfois de racheter les erreurs du passé.

J’avais fait ce voyage il y a 25 ans. Je l’ai refait aujourd’hui avec tout autant de plaisir, peut-être même plus.

En conclusion : un exemple à suivre

L’Amerzone version Microïds, c’est tout ce qu’un remake devrait être : fidèle, mais modernisé ; respectueux, mais enrichi. Un jeu qui fait honneur à l’original, tout en ouvrant la porte à une nouvelle génération de joueurs.

Je pourrais chipoter sur deux ou trois puzzles un peu faibles, ou sur certaines zones où l’on aimerait pouvoir se déplacer un peu plus librement. Mais ce serait mesquin.

Graphiquement, c’est somptueux. Sonorement, c’est immersif. Narrativement, c’est toujours aussi puissant.


Si vous aimez les jeux d’aventure, les récits contemplatifs, les œuvres qui prennent le temps de vous parler, alors foncez.


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Mis à disposition par l’éditeur : Oui
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Manoloben

Enfant des années 80, joueur jusqu'au bout des doigts. Si vous retrouvez du Julien Clerc dans ce texte? Bravo! Amateur de RPG (tout type) et clairement fan de Sega. Manoloben reste un touche à tout. GP32, NeoGeo Pocket, N-Gage et aujourdhui Evercade sont passées dans ses mains.

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Pas d'anecdote

Avis sur
L'Amerzone : Le Testament de l’Explorateur

★Culte★

L'Amerzone mérite d’être redécouvert. Et ce remake est, très clairement, l’un des meilleurs que j’ai vus ces dernières années.