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Jeu de Plateau

Skyrim : Le jeu de plateau qui voulait vous faire reroll le Dovahkiin

Cela faisait un bail qu’on avait pas parlé de Fus Ro Dah autour d’une table. Et pourtant, ce jour-là, j’ai pu poser mes mains sur le jeu de plateau The Elder Scrolls V: Skyrim – Adventure Board Game, signé Modiphius Entertainment. Un monstre de boîte, un monstre de matériel, et un monstre d’ambition. À la base, on parle quand même d’un jeu vidéo culte sorti en 2011, régulièrement réédité sur toutes les consoles et frigos connectés possibles. Aujourd’hui, c’est sur nos tables qu’on va incarner les héros de Bordeciel. Et on va pas se mentir : j’étais à la fois excité et un brin méfiant.

Alors, que nous apporte cette version jeu de plateau ? La réponse tient en un mot : de l’épique. Mais pas que.

Une virée en Bordeciel pour 1 à 4 joueurs (voire plus avec l’extension)

Premier bon point : Skyrim peut se jouer en solo. C’est toujours agréable de voir qu’on peut explorer l’univers à son rythme sans dépendre d’un groupe. Mais c’est à plusieurs qu’il dévoile sa richesse : jusqu’à 4 joueurs dans la boîte de base, et même jusqu’à 8 avec l’extension prévue à cet effet (figurines et cartes supplémentaires à l’appui).

Chaque joueur incarne un héros représenté par une jolie figurine (même si certains regretteront que seuls les héros soient modélisés). Devant soi, une fiche de personnage très complète : inventaire, points de vie, d’endurance, de magie, plantes, sacs à dos, compétences diverses… On est vraiment dans du RPG papier mais codifié façon jeu de plateau.

Et on se balade. Dans Bordeciel. Oui, le vrai. Enfin, la version plateau bien sûr. Le plateau reprend la carte de la province avec ses montagnes, ses villes, ses donjons. Les déplacements sont libres, et les quêtes s’enchaînent : principales, secondaires, personnelles… Un monstre trop fort ? Allez-y à deux. Une mission d’enquête ? Partez chacun de votre côté pour couvrir plus de terrain. Ce qui est agréable, c’est qu’on n’est pas cloisonné : vous pouvez jouer dans votre coin comme collaborer avec les autres.

Un monde ouvert mais avec un cadre

Comme dans le jeu vidéo, Skyrim version plateau offre un monde semi-ouvert. Semi, car le jeu propose deux grandes campagnes, chacune découpée en trois scénarios, avec une trame principale. C’est là que réside le cœur narratif du jeu. Bien sûr, vous pouvez explorer sans suivre le scénario, faire du leveling, remplir vos sacs et booster vos stats… mais sans histoire, l’intérêt s’émousse vite.

Avec la campagne, en revanche, vous entrez dans un vrai feuilleton fantasy. On est 25 ans avant le jeu vidéo, mais le lore est bien là. On croise des lieux connus, des noms familiers, on comprend des références… Pour les fans, c’est un régal. Et pour les autres ? Bah, c’est une bonne initiation à l’univers. Il y a un vrai goût d’aventure, comme dans un livre dont vous êtes le héros, mais avec des dés, du loot et une team pour râler avec vous quand la magie rate.

La mécanique de jeu : riche et parfois touffue

Chaque tour se découpe globalement en deux phases : déplacement, puis action. On se déplace simultanément, ce qui limite les temps morts (merci). Puis on résout nos actions : exploration, interaction, combat, fouille, etc.

Le cœur du gameplay repose sur les tests de compétences. Vous avez toujours une base de 3 dés, auxquels vous ajoutez des dés supplémentaires selon vos compétences. Vous pouvez lancer jusqu’à 6, 7, voire 8 dés en fonction de votre build. Et attention, ce ne sont pas de vulgaires dés à 6 faces. Non. Ce sont des dés spéciaux, avec des symboles uniques à Skyrim.

Vous allez faire des tests pour crocheter des serrures, convaincre des PNJ, repérer des indices, lancer des sorts… et bien sûr pour combattre. Et là, c’est un peu le moment où j’ai levé un sourcil.

Les combats sont bien pensés, mais ils ont leur lot de spécificités. Par exemple, votre armure reste intacte quoi qu’il arrive. Celle des ennemis, elle, se dégrade au fur et à mesure. Pour les battre, il faut dépasser leur valeur d’armure avec une attaque. Eux, pour vous blesser, doivent juste toucher et vous infliger des dégâts directs. Un système asymétrique qui apporte une sensation de progression du héros, mais qui peut aussi créer une certaine confusion, surtout quand on débute.

Et c’est là que le bât blesse un peu : le jeu n’est pas fondamentalement difficile, mais il est bourré de règles, d’exceptions, de cas particuliers. Et surtout, il est victime d’un syndrome fréquent : une documentation aussi belle que mal foutue.

Un livret de règles pas au niveau

Le livret est propre, clair graphiquement, avec des jolies icônes, des titres bien visibles… mais sans index. Et dans un jeu aussi dense, ne pas avoir d’index, c’est comme oublier sa boussole en allant chasser le dragon.

Je vous jure, chercher une règle spécifique (genre « comment fonctionne la parade ? »), c’est une épreuve. Et je vous parle même pas du combat, qui s’étale sur pas moins de 8 pages. Entre la gestion des fuites, des parades, des esquives, des différentes armes, des armures… il y a de quoi s’y perdre. Surtout quand certaines règles ne sont pas détaillées, mais supposées évidentes ou cachées dans une petite carte annexe.

On sent que beaucoup de mécaniques ont été pensées en mode jeu de rôle, mais sans avoir les ressources humaines d’un MJ pour expliquer. Résultat, à la première partie, ça galère, on retourne sans cesse dans le livret, on fait des erreurs… et ça casse un peu le rythme.

Un matériel à la hauteur de ses ambitions

Bon, parlons peu, parlons table. Clairement, Skyrim version plateau, c’est un dévoreur d’espace. Le plateau principal est immense. Autour, vous allez devoir disposer vos cartes d’inventaire, de quêtes, d’ennemis, d’événements, de magie, de compétences… Et je ne parle même pas des fiches de personnage, dignes d’un plan de bataille, ni des centaines de jetons.

C’est simple, il vous faut une table d’au moins 1,80 m de long pour jouer à 4. Et encore, prévoyez des rallonges si vous utilisez l’extension jusqu’à 8 joueurs. C’est un jeu qui se vit en mode “installation permanente”. Oubliez les petites sessions improvisées : ici, on sort la nappe de guerre.

Cela dit, le matériel est franchement de qualité. Les figurines des héros sont bien sculptées. Les cartes sont nombreuses (près de 470 d’après la boîte, et c’est sans compter les extensions), de différents formats, bien illustrées. Les jetons sont épais, agréables à manipuler. Et gros bon point : l’insert plastique est bien pensé. Tout a sa place (à condition de ne pas tout mélanger comme moi la première fois, évidemment). Il y a ce petit plaisir de l’organisation, où chaque chose trouve son emplacement, façon coffre bien rangé.

Une richesse qui se mérite

Ce qui rend Skyrim impressionnant, c’est son niveau de détail. On retrouve vraiment l’esprit du jeu vidéo : loot, équipement, gestion de l’expérience, potions, marchands, objets rares, monstres mythiques… Tout est là. On sent que les auteurs n’ont pas voulu faire un simple “jeu à licence”, mais un vrai jeu, avec de vraies idées, et une immersion profonde.

Les cartes événements, par exemple, apportent une dose d’aléatoire et d’inattendu. Certaines sont juste là pour planter une ambiance ou vous mettre dans une situation délicate. D’autres ont des conséquences directes sur le monde, sur vos quêtes, voire sur votre équipe.

Et il y a cette sensation grisante de progresser. Chaque point d’expérience gagné, chaque nouvel objet, chaque amélioration de compétence vous donne envie d’aller plus loin, de retenter ce donjon, de traquer ce foutu dragon. Vous devenez plus fort, plus précis, plus résistant. Et c’est gratifiant.

Mais tout cela a un coût : le jeu demande un vrai investissement. Ce n’est pas un jeu d’apéro. C’est un jeu d’après-midi ou de soirée complète. Voire plusieurs, si vous voulez faire toute une campagne. Il faut des joueurs motivés, prêts à se replonger dans les règles, à vivre une aventure sur la durée.

Ce qui aurait pu être mieux (mais n’est pas rédhibitoire)

Même si j’ai beaucoup apprécié mon expérience, tout n’est pas parfait. Je l’ai déjà dit, le livret de règles est l’un des points faibles. Une vraie plaie pour les premières parties. Et même ensuite, quand une question survient, impossible d’y répondre rapidement sans feuilleter à l’aveugle.

Ensuite, certains éléments manquent de clarté dans leur fonctionnement. J’ai encore du mal à saisir tout l’intérêt de la parade, ou la logique exacte de certains effets de compétence. Et cette asymétrie dans la gestion de l’armure entre les héros et les ennemis, bien que voulue, n’est pas forcément intuitive.

Enfin, même si je comprends les choix budgétaires, j’aurais adoré voir les ennemis modélisés. Pas forcément tous, mais au moins quelques figures emblématiques de Skyrim. Un géant, un dragon, une Vouivre… Ça aurait été le petit plus qui fait rêver. Là, on a des cartes (très bien faites, au demeurant), mais ça manque un peu de présence sur le plateau.

En bref : entre hommage réussi et jeu exigeant

Ce Skyrim version jeu de plateau, c’est un peu comme un spin-off du jeu vidéo pensé pour les fans de l’univers et les joueurs de jeux de société aguerris. Il ne prend pas les joueurs par la main, et il ne cherche pas à simplifier son contenu. Il veut vous faire vivre une aventure complète, immersive, avec ses complexités, ses subtilités et sa richesse.

On sent l’amour de l’univers, le soin apporté à la narration, le plaisir de faire cohabiter jeu de rôle, plateau et coopération. Et si vous êtes prêts à investir du temps, de l’énergie, et un peu d’espace sur votre table, alors Skyrim peut vous embarquer pour de très belles sessions.

Je remercie sincèrement Modiphius Entertainment pour avoir tenté et, dans une large mesure, réussi ce pari un peu fou : faire de Skyrim une vraie expérience de plateau.


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Mis à disposition par l’éditeur : Oui
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Manoloben

Enfant des années 80, joueur jusqu'au bout des doigts. Si vous retrouvez du Julien Clerc dans ce texte? Bravo! Amateur de RPG (tout type) et clairement fan de Sega. Manoloben reste un touche à tout. GP32, NeoGeo Pocket, N-Gage et aujourdhui Evercade sont passées dans ses mains.

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Petit bonus perso : le dépunchage de la boîte m’a pris une soirée entière. Mais honnêtement, c’était presque méditatif. Entre les cartes de tous formats, les jetons à foison, les petits sacs pour ranger tout ça, j’ai retrouvé une sensation oubliée de noël avant l’heure. Et là, surprise : l’insert était pensé pour accueillir tout ce bazar. Victoire ! Merci à eux pour ce rangement bien conçu, ça évite de tout fourrer dans des sachets zip Ikea comme à la vieille époque.

Avis sur
Skyrim Le jeu de Plateau

★Excellent★

C’est perfectible, c’est ambitieux, c’est un peu lourd parfois… mais c’est surtout un voyage qui mérite d’être vécu.