Dossier Console: La Neo Geo Pocket de SNK
UNE NEO GEO POCKET COLOR
De 1989 à 2003, à l’ombre de la Gameboy de Nintendo et de ses plus de 118 millions d’exemplaires vendus, un grand nombre de sociétés ont aussi tenté leur chance dans le monde des consoles portables pour s’accaparer une part du gâteau : Atari avec la Lynx, Sega avec la Game Gear (puis la Nomad aux Etats-Unis) et pour ce qui nous concerne ici, SNK. Nous fêtons cette année les 15 ans de la Neo Geo Pocket Color… La quoi ?
Eh oui car si beaucoup ont tenté leur chance, peu ont réussi à s’imposer.
SNK est surtout connue comme une petite société japonaise qui a profondément marqué le monde de l’arcade dans les années 90 avec un système bien pensé : le Neo Geo Multi Video System. Celui-ci a connu une version console de salon, la Neo Geo dite AES. Ensuite, la société d’Osaka tarde à se renouveler. La version CD de la console de salon sort en 94 mais ne perce pas sauf au Japon grâce une version « boostée » exclusive : la Neo Geo CDZ. Le tournant de la 3D n’est pas pris à temps et la carte arcade, l’Hyper Neo Geo 64 est un énorme échec avec seulement sept titres commercialisés de 1997 à 1999.
A la fin des années 90, SNK est donc une société sur le déclin. L’arcade, domaine qui a vu sa réussite, est en plein marasme. Elle se doit de réagir, mais comment ?
A côté, Nintendo vend la même console portable comme des petits pains depuis presque 10 ans sans amélioration technique majeure. La tentation de faire mieux est grande. SNK fera donc une console portable et tentera de se faire une place sur ce juteux marché.
Son ambition est clairement de concurrencer la Game Boy en s’appuyant sur les fondamentaux qui ont fait sa force : faire une petite console portable, maniable, à forte autonomie et sur une architecture à faible coût de production.
La licence de la Neo Geo Pocket est déposée en mai 1998 pour finalement sortir officiellement en octobre 1998 au Japon à près de 8000 Y. Avec une autonomie de 40H, et une architecture plus puissante tout en restant compacte. Le contrat semble bien rempli. Les 8 jeux présents à sa sortie ne sont pas exceptionnels mais couvrent une large gamme des genres disponibles :
– King of fighters R1 un jeu de combat,
– Melan Chan No Seichonikki un jeu de simulation de vie d’une jeune fille,
– Baseball Star un jeu de baseball,
– Neo Geo Cup 98 un jeu de Foot,
– Pocket Tennis un jeu de tennis,
– Tsunagate Pon ou Puzzle Link en occident un puzzle type Tetris,
– Shogi no Tatsujin un jeu d’échec japonais le shogi,
– Dokedomo Majong un jeu de mahjong.
Au japon, une tentative de toucher le public féminin .
Cependant, la qualité de l’écran est assez médiocre, notamment avec des problèmes d’angle de vision assez faible, et une rémanence importante.
Le principal problème est que SNK sort sa console au même moment que la Game Boy Color… Certes, la nouvelle console de Nintendo n’est pas un bond fantastique dans la technologie, elle est juste un peu plus rapide, mais elle dispose d’un écran de meilleure qualité, et la couleur qui plus est… Tout ce qui fait justement défaut à la Neo Geo Pocket. A cela, ajoutez la même année la sortie d’un jeu qui fera date dans l’histoire des jeux vidéo : Poketto Monsuta Aka Midori c’est à dire Pokémon Red et Blue en occident…
Bref, la nouvelle console de SNK est quasiment condamnée au moment même de sa sortie. Ce qui fait que le constructeur doit très vite réagir et annonce une version couleur pour 1999, avec pour finalité de davantage plomber les ventes de sa console noir et blanc….
La Neo Geo Pocket « Color », sort elle en mars 1999, au prix de 9000 yens, avec les mêmes caractéristiques techniques, si ce n’est un peu de mémoire supplémentaire pour la gestion de la palette graphique. Mais elle dispose désormais d’un écran couleur et de bien meilleure qualité.
SNK continue de s’attaquer au public féminin avec des publicités ciblées au titre évocateur : I’m not boy. Elle essaye également de s’ouvrir à l’international en s’implantant sur le marché américain, asiatique et même européen. Nous verrons ainsi des jeux avec des notices françaises (ainsi qu’espagnoles, italiennes et anglaises).
Un certain nombre de partenariat sont signés avec des sociétés tierces comme Namco (Pac Man), Taito (Densha Den Go 2), Quest (Ogre Battle), et bien sûr Sega (Sonic), qui permet également une connectique pour échanger des données avec la Dreamcast (seuls sept jeux en bénéficieront).
Les développements internes se chargent de faire revivre, souvent avec brio, les licences des jeux de combat SNK dans un mode SD (super deformed) : The Last Blade, Samurai Spirits, The King of Fighters, etc. Malgré quelques belles réussites, le nombre de titres est faible, : 85 jeux seulement ont été au final édités.
Le problème c’est que SNK est financièrement dans le rouge et n’a plus les moyens de ses ambitions. Si un certain nombre de titres développés sont de très bonne facture, beaucoup sont tout juste moyens.
De plus, un nouveau concurrent, Bandai, sort avec le concours de l’ancien créateur de la Game Boy, la WonderSwan : une console bien pensée, qui se positionne directement sur des marchés de niches comme les RPG/wargames et jeux de réflexion souvent dotés de fortes licences.
SNK est financièrement exsangue, en Janvier 2000, elle se vend à une société de pachinko (sorte de flipper vertical japonais) en espérant que celle-ci injecte les fonds nécessaires pour lui permettre de poursuivre son activité.
Aruze, c’est son nom, finit par éditer un certain nombre de titres en développement mais inonde le marché de jeux de casino inintéressants au possible et arrête toute diffusion à l’international pour se recentrer sur l’Asie. Bref ses choix se révèlent désastreux et Aruze finit par mettre SNK en faillite en Octobre 2001.
Ainsi, la Neo Geo Pocket Color marque la fin d’une société, fleuron de l’industrie des jeux vidéo.
Il n’empêche que la Neo Geo Pocket reste une console intéressante, notamment parce qu’elle est la première console portable dotée d’un stick directionnel. Son temps d’exploitation commercial est assez court, moins de trois ans. On lui compte un bon nombre de pépites qui lui font encore honneur maintenant. On vous conseillera d’essayer (liste non exhaustive et complètement subjective) :
Card Fighter Clash SNK et Capcom, un jeu de cartes complètement addictif avec les personnages emblématiques de Capcom et de SNK dont une suite n’est sortie qu’au japon,
Cotton, un shoot issu d’une version de la PC Engine (et de l’arcade),
Faselei, un RPG tactique où vous contrôlez des mechas,
Last Blade, jeu de combat de SNK,
Metal Slug 1 et 2, pour un run and gun endiablé,
Neo Turf Masters, un des meilleurs simulateurs de golf sur console portable,
Puyo Puyo, puzzle de type Tetris inspiré d’une version Master System,
Super Real Mah Jong, que l’on ne peut pas oublier de citer, un des plus beaux et surtout un des plus passionnants strip mahjong disponibles sur consoles portables… Disponible uniquement en version japonaise,
The Match of the Millennium, jeu de combat entre les personnages de Capcom et de SNK.
Il existe un nombre non négligeable de prototypes de jeux non finalisés. On pense notamment à The King of Fighters R3, ou à Magician Lord (dont une version beta a été présentée par Gamekult). Le journaliste Greg nous en a d’ailleurs parlé dans une interview. Mais des rumeurs ont également circulé concernant un Windjammer ou un Ikari Warrior en version pocket. Quand on voit la qualité des derniers jeux commercialisés, on ne peut que regretter la fin prématurée de la console.
A noter que SNK avait conscience du manque de jeux à son catalogue. Dans les années 2000, la société avait approché nombre de développeurs occidentaux en distribuant des outils de développement gratuitement. Mais d’un autre côté, les kits hardware étaient proposés pour la modique somme de 40 000 dollars, selon un développeur français de l’époque. Les logiciels Neo Geo Pocket circulant sur Internet, quelques développeurs amateurs se sont lancés dans la réalisation de démos ou de jeux (souvent des conversions de jeu 8/16 bits). On peut ainsi citer Thor qui a proposé des conversions de qualité (Bomberman) ou des jeux originaux (Gears of Fate).
Certains projets de traduction permettent également de pouvoir profiter des derniers titres exclusivement japonais notamment SNK vs. Capcom – Card Fighters Clash 2 – Expand Edition. A l’heure actuelle, la Neo Geo Pocket fait figure de belle endormie. Mais qui sait, peut-être qu’une belle production suffirait à la réveiller ?
(Photos personnelles fait avec amour, et publicités issu de ma collection et de abandonware-magazines.org, un site qu’il est bien !)