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Jeu de Rôles

Chroniques Oubliées Cthulhu Origins, le COCO light un peu difficile à gagner

Bon, cette fois c’est bon, je me lance pour cet avis. J’ai lu les bouquins, les cacahuètes enrobées de chocolat sont sur la table à côté des boissons trop sucrées et des chips, on va pouvoir s’installer à table et jouer à Chroniques Oubliées Cthulhu Origins (Ok, COCO pour la suite). Chaque joueur et joueuse a choisi un des dix pré tirés du livre du témoin qui sont tous plutôt sympas, et on se lance sur le scénario d’intro proposé par le livre de l’archiviste qui m’a aussi plutôt inspiré à la lecture.

Je suis un peu nerveux, parce que je ne vais pas faire ma sauce comme d’habitude, mais essayer de respecter les règles et le scénario tels que présentés dans les livres. Le fait que je n’ai jamais eu à la table deux des participants, et que j’ai déjà vu le troisième larron à l’œuvre n’arrange pas les choses (”le grand maître nageur”, ceux qui savent… savent).

Mais c’est bon, j’ai pris plus de temps à préparer cette partie que beaucoup d’autres et, de mon point de vue, ça devrait bien se passer.

Alors je demande quand même à la fin, et ça va, la table semble avoir adhéré (ou tout le monde est trop gentil). Ce petit scénario d’intro a plutôt bien fait le boulot. Certains l’ont trouvé un peu difficile à “gagner”, d’autres étaient un peu plus perdus dans l’interprétation du personnage, mais c’est comme le vélo et les marques ont rapidement été retrouvées pour que l’intrigue se déroule et que chacun apporte ses surprises qui ont enrichi la partie sans la faire dérailler.

Petit TLDR de début : le jeu marche, c’est un jeu de rôle qu’on peut s’amuser avec, avec un peu d’effort.

Puriste light

COCO veut se positionner comme un jeu de rôle dans la lignée puriste directement inspirée des textes de H.P. Lovecraft et que la gamme présente dans les années 1920 en Nouvelle Angleterre comme le folklore des collines, à savoir une menace née d’êtres monstrueux existant depuis des époques et dans des lieux cosmiques inconcevables pour des mortels. Les personnages joueurs, au prix inexorable de leur intégrité physique et mentale, seront les témoins de l’influence de ces êtres échappant à toute logique pour reprendre possession de notre monde.

Le postulat du jeu est clair et en contraste direct avec les règles classiques et plus pulp de chroniques oubliées : ici, les forces oeuvrent au-delà de leur portée et les personnages seront malmenés et n’auront qu’un impact limité sur les enjeux. Les blessures physiques sont longues à soigner et/ou auront des séquelles durables voire permanentes. Les actes violents ou incompréhensibles dont ils seront témoins les laisseront en état de choc et les traitements psychiatriques seront longs et ne guériront pas toutes les fêlures. Et c’est d’ailleurs comme ça que les personnages vont s’enrichir et progresser en se découvrant de nouvelles fragilités physiques et mentales et en perdant pied avec la réalité au fur et à mesure qu’ils comprendront leur place dans cet univers qui les dépasse, s’ils survivent à leurs aventures entre deux passages à l’asile.

En soi, survivre devrait déjà être un peu une victoire durement acquise.

Finalement, ça tourne

Niveau règles, c’est facile de trouver ses repères si on connaît déjà Chroniques Oubliées ou même Donjons et Dragons : quand l’action d’un témoin (personnage joueur ou joueuse) n’est pas certaine de réussir ou d’échouer, on lance un dé à 20 faces auquel on ajoute ou retranche un modificateur d’attribut et, éventuellement, un de voie et/ou de circonstances pour dépasser une difficulté fixée à l’avance par l’archiviste (meneur ou meneuse de la partie).

Outre les attributs on retrouve comme dans chroniques oubliées les classiques métiers/classes qui donnent accès à des voies ouvrant des connaissances ou capacités ou modificateurs propres pour influer sur les jets de dé et la narration.

On n’échappe pas à la jauge de points de vie : l’échelle de santé qui traduit l’état physique du personnage avec des malus et risques de séquelles quand on atteint certains paliers. On trouve aussi une échelle de conscience qui ne mesure pas vraiment la santé mentale, mais plutôt une forme de déconnexion avec le quotidien au fur et à mesure que le personnage franchit encore des paliers sur celle-ci en en apprenant davantage sur le folklore des collines.

Le système est simple et fluide et peut tourner rapidement tel quel. En revanche, en partant de cette simplicité, on retrouve aussi une profusion de sous systèmes et tableaux pour détailler davantage les bonus et malus situationnels, liste d’équipements, nature des dommages, etc. qui sont repris dans l’écran. Dans la même veine, la tentative de mettre l’accent sur les variétés d’approches lors des interactions sociales est louable à défaut d’être vraiment fluide et élégante d’un premier abord. Ceci dit, les amateurs de simulationnisme qui veulent une base de système simple et pas 50 compétences différentes pour garder une fiche de perso lisible et un jeu plutôt accueillant pour initier y trouveront surement leur compte. Et, finalement, c’est aussi dans cette foule de tableaux et multitude de précisions et détails qu’on arrive, parfois, à un contraste intéressant avec les situations inexplicables quand notre feuille de perso et le système nous ancrent totalement dans un quotidien trop détaillé façon feuille d’impôts. Alors pourquoi pas.

Ca présente bien, mais…

Le jeu se présente sous la forme de deux ouvrages cartonnés, avec signet, tous deux nécessaires pour lancer une partie : le Livre du Témoin et le Livre de l’archiviste, chacun vendu à 45 euros. C’est joliment illustré, la maquette est propre mais pas exempte de coquilles allant de la succession de lettres laissées par quelqu’un qui s’endort sur un clavier à des phrases incompréhensibles faute d’avoir été terminées et des listes à puce qui se perdent un peu.

Le Livre du témoin contient tout ce qu’il faut pour créer un personnage, les règles de base ainsi que la folie et son traitement, une description cliché mais efficace de la Nouvelle Angleterre des années 1920, les troubles mentaux et leurs soins d’époque parfois radicaux, une dizaine de chouettes pré tirés bien présentés avec des liens entre eux ainsi qu’une aventure solo dont vous êtes le héro pour se mettre dans l’ambiance. Cette dernière est bienvenue mais risque de divulgâcher l’aventure d’introduction du livre de l’archiviste.

Le livre de l’archiviste contient une description du folklore des collines : tout ce qui concerne les voies de magie, sorts, rituels, livres et artefacts, grands (et petits) anciens ou créatures, lieux, personnages non joueurs, accroches et anecdotes. On reste dans un panel assez large mais pas super approfondi (dans la norme pour un bouquin de base, ceci dit). Il contient également un scénario sous forme d’une enquête en huis clos façon Agatha Christie efficace, mais sans vrai lien avec les pré tirés du livre du témoin.

L’écran est une compilation plutôt fonctionnelle de tableaux assez mécaniques pour le rappel des règles mais manque un peu d’outils pour l’improvisation et ajoute un scénario qui fait suite, de manière lointaine (mais demande de créer d’autres protagonistes), à celui du livre de l’archiviste.

Un grand maître nageur qui rame un peu

Les ouvrages manquent cruellement de conseils de jeu, de maîtrise, d’explication de ce qu’est l’horreur lovecraftienne, de gestion du rythme et de la narration, ainsi que d’exemple de partie ou d’explication sur ce qu’est un jeu de rôle. Ceux-ci sont à peine mentionnés avec des renvois vers des actual play, des titres de nouvelles, et autres références extérieures.

Le jeu se permet même de totalement omettre le sujet de la sécurité émotionnelle (que ça soit avec ou sans outil adaptés) et de faire un petit topo sur une manière respectueuse d’aborder les troubles mentaux. Rappelons donc que dans la pratique du jeu de rôle, tout le monde est responsable de la sécurité et du bien être des personnes autour de la table, à plus forte raison quand on va “jouer” avec l’horreur corporelle ou psychologique.

Malgré l’étiquette Chroniques Oubliées, c’est compliqué de recommander ça pour une première maîtrise. En revanche, pour un ou une meneuse déjà à l’aise avec ce qu’est un jeu de rôle, ce qu’est l’horreur lovecraftienne, c’est tout à fait possible de bien pouvoir doser les effets des systèmes à la volée et il y a un contenu suffisant pour créer ses propres chroniques et jouer longtemps avec un ticket d’entrée à 90 euros pour la version papier.

Même si les règles me semblent un peu dissonantes avec la tentative de rester dans le registre puriste, je pense que cet objectif reste atteignable avec la mécanique et le matériel fourni, mais nécessitera une prise en main par une personne déjà familière avec le genre et les jeux de rôle en général. La simplicité du système permettra tout de même aisément de découvrir cet univers dans la posture de joueur ou joueuse.

Testé ici :

  • Le Livre de l’Archiviste
  • Le Livre du Témoin
  • L’écran de l’Archiviste

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Mis à disposition par l’éditeur : Oui
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Picric

Picric est un grand (au sens littérale aussi) joueur. Touche à tout, que ce soit le JDR, le Jeu de Société, les TCG ou encore le jeu vidéo. Quand il se lance dans une passion, il ne le fait pas à moitié. Et c'est pour ça aussi qu'il souhaite les partager avec vous.

Disponibilité

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Thèmes

Format

Editeurs/Auteurs

Pas d'anecdote

Avis sur
Chroniques Oubliées Cthulhu Origins

👍Amusant👍

Le mythe hérité des nouvelles de H.P. Lovecraft est maintenant bien ancré dans la culture rôliste. L'ancêtre des jeux sur le mythe y dort toujours bien confortablement et refuse même obstinément de mourir ou se laisser détrôner. COCO, lui, est un jeu de rôle qui reste tout aussi classique dans sa manière d’arbitrer et rythmer la partie avec sa pléthore de tableaux tout en essayant d’être moderne dans son approche simplifiée du système et la bonne idée de passer par les voies pour se débarrasser des brouettes de compétence de l'Ancêtre ronflant et tenter d’en tirer une nouvelle approche puriste mais accessible. Ce COCO light tente donc un truc intéressant un peu à l’opposé du snobisme de l’Appel, avec une spontanéité un peu maladroite et naïve dans la forme, un brin dissonante, mais qui peut marcher si on a un minimum de bouteille pour le prendre en main et envie de proposer du Cthulhu accessible avec un petit esprit puriste.