Il y a des jeux qui débarquent sans prévenir et qui insufflent une nouvelle dynamique à des mécaniques déjà connues. J’avais beaucoup apprécié Carro Combo à l’époque – un jeu simple où l’on tentait de se débarrasser de ses cartes par paires, brelans ou suites, en proposant toujours mieux que le joueur précédent. Un peu façon poker de comptoir, sauf qu’ici, on ne trichait pas et qu’on devait garder nos cartes dans l’ordre dans lequel elles arrivaient. J’aimais bien. Même si, avouons-le, une fois qu’on avait saisi le truc, ça plafonnait un peu. On y revenait, mais ça ne provoquait pas l’épiphanie à chaque partie.
Puis est arrivé Odin, dans son univers viking immersif, qui a raflé l’As d’Or 2025. Là encore, on restait sur du combo, du bluff, de la prise de risque… et c’était déjà bien. Mais voilà que, dans l’ombre du festival de Cannes, Asmodee nous sort un petit jeu apparemment modeste, vendu une quinzaine d’euros, qui s’appelle… Jungo. Et ça, mes amis, c’est de la nitroglycérine de salon.
Le principe ? Simple. Trop simple pour être honnête.
Jungo reprend la base de Carro Combo : une main de cartes non triée, des séries à poser (même valeur uniquement), et la nécessité de faire mieux que le joueur précédent. Sauf que cette fois, pas de suites à réaliser. Fini les cartes spéciales façon Uno avec leurs effets perturbateurs. Ici, c’est du combo pur, brut, concentré. Vous pouvez poser 1, 2, 3… ou autant de cartes identiques que vous avez en main. Pas de limite. Tant que ce sont exactement les mêmes valeurs, vous pouvez tout balancer.
Et là où ça devient brillant, c’est dans la mécanique de « surenchère qualitative ou quantitative ».
Un joueur pose une carte de valeur 5 ? Vous pouvez le battre en posant une seule carte de valeur 6, ou deux cartes de valeur 4, ou trois cartes de valeur 2, etc. Plus vous enchaînez, plus la tension monte. Parce que si vous réussissez à placer une grosse série (coucou les 6 ou 7 cartes identiques), vous êtes quasiment sûr de prendre la main derrière. Et prendre la main, ça veut dire pouvoir jouer une petite carte bien modeste, histoire de se débarrasser tranquillement. Et mine de rien, dans ce genre de jeu, chaque carte posée, c’est un micro-soulagement.
Les petits twists qui changent tout
Mais là où Jungo m’a vraiment captivé, c’est dans ses micro-ajustements :
- Vous pouvez récupérer les cartes du joueur précédent. Oui, vous avez bien lu. Un joueur pose une belle série de 4 cartes ? Si elles vous arrangent, vous pouvez les prendre et les intégrer dans votre main pour mieux frapper plus tard. C’est du pillage autorisé. De la mise en réserve. Et ça marche du tonnerre.
- La pioche est optionnelle et maligne. Vous ne pouvez pas jouer ? Piochez. Mais vous regardez d’abord la carte. Si elle ne vous plaît pas, vous la défaussez. Si elle vous plaît, vous l’intégrez. Et si, miracle, ça vous permet de poser immédiatement ? Alors vous pouvez jouer sans attendre. Et là, c’est l’extase.
- La rupture de pli. Si personne ne peut battre votre série, le pli est terminé, vous reprenez la main. Cadeau bonus : vous êtes libre de poser ce que vous voulez ensuite. Et ça, ça permet de « nettoyer » sa main intelligemment.
Une montée en puissance délicieuse
Le génie de Jungo, c’est cette courbe de jeu que tout le monde comprend instinctivement. On commence avec des coups timides. Une carte ici, deux là. On ose. On observe. Et puis on construit. Lentement mais sûrement, on se prépare à frapper. Et quand on balance sa série de six cartes bien senties… l’adrénaline monte, les joueurs grincent des dents, et vous, vous trépignez d’excitation. Vous espérez que personne ne pourra rivaliser. Et quand le tour vous revient, vous savourez. Ce petit moment de supériorité fugace, mais jouissif.
C’est un shoot de dopamine pur. Le genre de jeu où l’on rit, où l’on râle, où l’on s’emballe. Pas besoin d’expliquer pendant 10 minutes. Tout le monde comprend. Tout le monde entre dans le jeu. Et surtout, tout le monde veut sa revanche.
Nombre de joueurs
Jungo se joue idéalement de 3 à 5 joueurs. Pour les grandes tablées, pourquoi pas, en ajoutant un second paquet de cartes, ce qui en fait un excellent jeu d’ambiance pour les groupes plus larges.
Verdict
Jungo, c’est un petit bijou d’intelligence ludique. Il ne réinvente pas la roue. Il la peaufine, il la polit, et il lui greffe un moteur qui envoie du lourd. C’est rapide, fluide, dynamique, et ça tient dans la poche.