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Jeu de Plateau

KELP – Requin contre Pieuvre : Duel Tactique et Bluff dans les Profondeurs

Il y a des jeux que l’on repère, qu’on surveille du coin de l’œil, et puis un jour, on y joue… et c’est la claque. KELP, je l’avais découvert rapidement sur le stand de Smodé, lors du Festival International des Jeux de Cannes. Intrigué par ce duel aquatique entre un requin et une pieuvre, j’avais demandé, sans trop y croire, si je pouvais en tester un exemplaire. Quelques semaines plus tard, le colis arrive. Et là, dès l’ouverture, je sens que je ne suis pas face à un jeu à deux comme les autres.

KELP, c’est un pur jeu de confrontation asymétrique, pour deux joueurs. Pas un de ces jeux de duel où les deux camps se ressemblent vaguement. Non. Ici, c’est radical. L’un joue un requin, grand prédateur solitaire. L’autre une pieuvre, maîtresse de la dissimulation. Chacun son objectif, ses mécaniques, ses ressources. Et à chaque partie, une tension constante, presque physique, dans l’attente du prochain mouvement adverse.


Deux styles de jeu, deux mondes à explorer

Commençons par le rôle le plus furtif : la pieuvre. Elle évolue cachée, en silence. Son objectif ? Se nourrir de quatre proies disposées sur le plateau, ou survivre assez longtemps pour que le requin abandonne, épuisé. Et pour ce faire, elle utilise un système astucieux de deck-building : à chaque exploration réussie ou proie consommée, elle gagne de nouvelles cartes, plus puissantes, plus rusées. Elle peut ainsi poser des pièges, échanger des tuiles, recacher ses traces, brouiller les pistes… bref, mener une véritable guerre psychologique.

Le requin, quant à lui, est un chasseur frontal. Il est visible sur le plateau, puissant, mais contraint par ses propres limites. Il utilise des dés (on parle ici de dice-building) pour accomplir ses actions : placer des courants marins qui l’aident à se déplacer plus vite, rechercher la pieuvre parmi les tuiles visibles, ou l’attaquer s’il pense avoir trouvé la bonne. Plus il agit, plus il gagne de l’expérience, ce qui lui permet de renforcer sa besace de dés et d’obtenir de nouvelles cartes aux effets variés. Mais attention : chaque attaque augmente sa faim. Et s’il atteint la limite, c’est terminé. La pieuvre l’aura épuisé.


Un matériel sobre mais efficace

Dans la boîte, le matériel est aussi élégant qu’efficace. Un plateau recto verso propose deux variantes de jeu : le jour, plus équilibré, et la nuit, plus favorable à la pieuvre qui dispose alors de davantage de cachettes. Des tuiles en plastique turquoise, que l’on place verticalement, matérialisent le champ de bataille sous-marin. La pieuvre les voit, le requin non. Certaines tuiles signalent la présence de la pieuvre, d’autres sont des leurres ou des pièges. Et ce simple principe crée déjà toute la tension du jeu.

Le reste du matériel est à la hauteur : dés colorés pour le requin, cartes de deux tailles bien différenciées selon les rôles, et une figurine de requin absolument magnifique, qui trône au centre du plateau comme une menace constante. La boîte est un peu grande par rapport à ce qu’elle contient, mais elle respire la qualité. Mon seul regret : les dés du requin sont un peu petits et ne roulent pas beaucoup à mon goût. Un détail, mais quand on les lance souvent et qu’on tire des 1 trois fois de suite, ça pique un peu.


Le plaisir du bluff

Ce qui fait vraiment le sel (de mer) de KELP, c’est cette tension psychologique permanente entre les deux joueurs. En tant que pieuvre, on vit dans la peur d’être repéré, mais on prend un malin plaisir à bluffer. On mélange les tuiles, on sème des indices contradictoires, on pose des pièges, on attire le requin dans de fausses pistes. Et souvent, on observe son adversaire, droit dans les yeux, en se disant “il va foncer là où je veux qu’il fonce”. Et ça marche.

Mais attention, car la pieuvre, aussi rusée soit-elle, doit à un moment prendre des risques. Pour gagner, il faut manger. Et à chaque bouchée, elle se découvre, devient visible, vulnérable. Le requin, s’il a bien anticipé, peut alors frapper.


Le requin : un prédateur… limité

Du côté du requin, c’est un autre ressenti. On se sent fort, dominant… mais aussi contraint. Contraint par les dés, bien sûr — notamment quand ils vous trahissent. Mais surtout, contraint par cette faim qui monte, implacable. Chaque dé rouge utilisé pour une attaque remplit une case sur la piste de faim. Et quand c’est plein ? Fin de partie. C’est donc une course contre la montre, où chaque mouvement doit être optimisé, chaque action justifiée.

Pour l’aider, le requin peut placer des courants marins sur le plateau. Ces courants permettent de se déplacer plus rapidement d’un point à un autre, en suivant un tracé fluide. Ils sont posés grâce à des dés spécifiques, et deviennent des outils précieux pour refermer le piège sur la pieuvre… à condition de bien anticiper ses déplacements.


Une mécanique de confrontation bien sentie

Quand enfin le requin pense avoir trouvé sa cible, on entre dans une phase de confrontation. Et là, c’est presque du shifumi. Chacun choisit une carte de couleur parmi trois. Si les deux joueurs choisissent la même couleur, le requin réussit son attaque. Sinon, la pieuvre s’échappe.

Ça peut sembler léger, mais dans le contexte du jeu — après 40 minutes de tension — c’est un moment de pur stress. Il faut lire l’autre. Se souvenir de ses habitudes. Savoir s’il va feinter… ou pas. Un instant de pur duel psychologique.


Une durée maîtrisée et une belle rejouabilité

Une partie de Kelp dure en moyenne 45 minutes, même si certaines peuvent se conclure en 20 minutes à peine, ou traîner jusqu’à l’heure. Le rythme dépend beaucoup des joueurs, et du rôle qu’ils incarnent.

Mais ce qui est certain, c’est que la rejouabilité est excellente. D’abord parce que les deux rôles offrent des sensations radicalement différentes. Ensuite parce que chaque joueur, chaque stratégie, chaque bluff renouvelle l’expérience. Rejouer la pieuvre ne veut pas dire “refaire pareil”. Et jouer requin contre un nouveau joueur, c’est repartir de zéro.


Mon avis : une pépite ludique, tendue et exigeante

Je vais être clair : KELP est une vraie réussite. Ce n’est pas juste un “bon jeu à deux”. C’est un jeu asymétrique fin, tendu, psychologique, stratégique, avec une vraie identité. Les mécaniques sont cohérentes avec le thème, l’ambiance fonctionne à merveille, et la tension est constante.

Je trouve cependant que le requin est plus difficile à jouer que la pieuvre, notamment à cause de la gestion de la faim et du facteur hasard sur les dés. Mais c’est un “déséquilibre” qui fait aussi le sel du jeu. Il faut apprendre à le dompter, à le maîtriser. Et quand on y arrive, la satisfaction est immense.


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Mis à disposition par l’éditeur : Oui
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Manoloben

Enfant des années 80, joueur jusqu'au bout des doigts. Si vous retrouvez du Julien Clerc dans ce texte? Bravo! Amateur de RPG (tout type) et clairement fan de Sega. Manoloben reste un touche à tout. GP32, NeoGeo Pocket, N-Gage et aujourdhui Evercade sont passées dans ses mains.

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Vous constaterez que je n'ai pas de photo du jeu, normal il est mis à la disposition en test dans ma boutique de coeur Tofopolis à Poissy. Je corrige ça trés vite!

Avis sur
Kelp

★Culte★

En résumé : KELP, c’est deux jeux en un, une confrontation aquatique aussi belle qu’intelligente. Si vous aimez les duels tendus, les jeux à rôles asymétriques, les sensations fortes et les regards qui en disent long : foncez.