S’il y a bien une chose qu’on adore dans les jeux pour enfants, c’est quand ils leur donnent le sentiment de choisir, d’explorer, de construire… Ici, avec Karuba Junior, on nous promet une chasse au trésor haletante. Trois aventuriers, une île, des pirates en embuscade, des tigres planqués dans la jungle… Ça aurait pu être bien. Ça aurait même pu être très bien. Mais voilà…
L’aventure oui… mais surtout celle des tuiles
Le concept de Karuba Junior est simple, peut-être trop simple. Le jeu se joue en solo ou jusqu’à quatre joueurs, idéalement avec des enfants autour de 4 à 7 ans. Le but ? Guider un trio d’explorateurs pour récupérer trois trésors cachés dans la jungle avant que les pirates n’atteignent le rivage de l’île… ou que des tigres ne bloquent les chemins vers lesdits trésors. Jusque-là, tout va bien. On s’imagine déjà à poser des tuiles façon Indiana Jones version Duplo.
Mais le souci, c’est que vous ne jouez pas contre les autres, ni même vraiment contre le jeu : vous jouez contre le hasard pur.
À chaque tour, un joueur pioche une tuile au hasard. Cette tuile peut être :
- un chemin (youpi, on avance) ;
- un tigre (aie, on bloque un chemin) ;
- un pirate (ouille, le bateau se rapproche) ;
- ou, dans le meilleur des cas, un trésor (le Saint Graal : il en faut 3 pour gagner).
Donc, statistiquement, deux tiers des tuiles sont contre vous. Et pas de “je prévois deux coups à l’avance”, non non : on pioche, on subit, on avance, ou pas. C’est un peu comme si on jouait à une version enfantine de Don’t Wake the Tiger, sauf que là, le tigre vous attend à chaque carrefour.
Placement, mais sans stratégie
Ceux qui espèrent un minimum de construction de route, genre Tsuro des petits, peuvent oublier. Certes, on place les tuiles librement autour de l’île centrale, en formant des chemins. Il y a même des carrefours, des lignes droites, des virages. Mais encore faut-il piocher les bonnes tuiles. Et encore faut-il ne pas se les faire bloquer ensuite par un tigre. Et encore faut-il que les enfants ne se lancent pas dans une spirale infernale de chemins circulaires – ce qu’ils adorent faire, allez savoir pourquoi.
Le seul mini-espace de réflexion que les enfants peuvent avoir, c’est d’éviter de se coincer eux-mêmes. Autant dire que ce n’est pas là-dessus qu’ils vont apprendre la planification ou la gestion du risque.
Des enfants qui subissent
Et c’est bien là que le bât blesse. Karuba Junior n’apprend rien. Il n’enseigne pas la coopération, pas vraiment l’observation, encore moins la logique. Il propose juste une succession de choix sans conséquence, dictés par un tirage que personne ne maîtrise. On pourrait le comparer à certains Smart Games en solo sauf que eux, exploitent chaque neurone de vos enfants, et qui leur donnent un vrai sentiment de progression. Ici, on enchaîne les parties en se disant qu’on gagnera peut-être la prochaine… ou pas.
Qualité matérielle et illusion de grandeur
Alors oui, soyons justes, les pions en bois représentant les trois aventuriers sont très chouettes. Gros, solides, agréables en main – parfaits pour les petites mimines maladroites. Les tuiles, elles, sont en carton standard, illustrées correctement, sans grande folie mais efficaces. Rien à redire sur la production.
Mais soyons honnêtes : ça ne sauve pas le jeu. Un beau matériel ne justifie pas un gameplay creux.
Et le prix dans tout ça ?
Difficile d’être catégorique, mais le jeu tourne autour des 25 à 30 euros selon les boutiques. Et là, clairement, le ratio prix/intérêt ludique me paraît déséquilibré. On peut trouver bien mieux à ce tarif-là. Même chez Haba, qui signe ce titre, on trouve des pépites qui font cogiter les plus jeunes tout en les amusant vraiment.
