La série Street Fighter a profondément marqué le jeu vidéo. On peut même dire que sans cette série, puis ses rivaux Fatal Fury et Mortal Kombat, nous n’aurions pas les jeux de baston que nous aimons tant. C’est fort de ce constat, associé d’une vraie passion pour ces titres que le journaliste américain Matt Leone s’intéresse depuis longtemps à ce phénomène. Il a collecté de nombreux interviews auprès des acteurs d’époque, initialement pour le site Polygon. Ces témoignages sont d’ailleurs encore consultables gratuitement (en anglais).
Ce faisant, la matière était tellement conséquemment qu’il a décidé, de réaliser une compilation encore plus détaillée dans L’Histoire officieuse de Street Fighter, désormais traduit en français chez Third éditions.
Une retranscription innovante
La méthode surprend un peu au début, mais on comprend très vite son intérêt: au lieu d’un simple catalogue d’entretiens, l’auteur les a mis en forme pour figurer un grand débat, comme si les intervenants se répondaient entre eux.
Chaque chapitre prend comme thème un jeu de la série (notamment les jeux d’arcade Street Fighter, Street Fighter II, Street Fighter II Champion Edition, Super Street Fighter II, etc.). Certains chapitres sont bienvenus comme celui sur Fatal Fury (pour ceux qui ne savaient pas Fatal Fury de SNK a été réalisé par des transfuges de Capcom ayant réalisé le premier Street Fighters). D’autres sont un peu à la marge par rapport au titre de l’ouvrage puisqu’on y traite de Darkstalkers, ou X-Men : Children of the Atom.
Dans ces chapitres les interviews sont regroupés dans des sous-chapitres comme autant de thèmes de débats. Les déclarations de chacun des intervenants apportent ses propres éclairages et informations.
La masse du travail est vraiment conséquente, puisque le livre rassemble les témoignages de plus d’une soixantaines d’acteurs. Comme on le disait, le choix éditorial est au premier abord un peu déstabilisant, puisque l’auteur s’efface pour ne retranscrire que les déclarations des intervenants. Même ses questions ne sont pas présentes dans le livre. Tout est fait de manière à ce que le lecteur assiste a une discussion à bâtons rompus des acteurs d’époque, ce qui n’est pas sans évoquer la mode des post-mortem, ces conférences qui font le bilan d’un jeu après la fin de sa vie commerciale initiale. La surprise passée, le livre se lit avec beaucoup de fluidité et d’intérêt.
La logique de cette organisation est justement de confronter les souvenirs de chacun. Inutile de vous préciser que les avis sont parfois plus que divergents. L’auteur ne prend jamais parti et n’intervient qu’a de très petits moments pour une (légère) contextualisation au début de chaque thème ou rajouter quelques informations complémentaires dans les interviews.
Une vraie réussite…
Quand on est fan d’arcade et de jeu de combats, se recueille d’interviews est passionnant. Notamment parce que toutes ces données et informations sont clairement rattachées à un interlocuteur dûment présenté. D’ailleurs une petite fiche biographique de chacun d’eux est présente à la fin de l’ouvrage. Le discours est plutôt franc, notamment parce que bon nombre d’intervenants sont désormais sortis de l’industrie du jeu vidéo où du giron de Capcom… D’où l’emploi du terme « officieuse », puisque Capcom a refusé de collaborer. Ceci étant, on entre pleinement dans la cuisine interne de la société, des rivalités, des batailles d’egos et autres différences culturelles (entre Capcom et sa succursale Capcom USA). On se doute évidemment que les années ont aussi probablement altéré un certain nombre de souvenirs. Mais le nombre d’informations rassemblées ici reste des plus conséquent et de première main.
…Avec juste quelques bémols
Alors bien sûr la limite de cette opération vient aussi des témoignages recueillis. L’auteur ne s’en cache pas, et ne peut que regretter que ce soit majoritairement les souvenirs des acteurs américains qui sont retranscrits dans cet ouvrage. Ça a parfois des avantages, comme le luxe de détails sur le jeu Street Fighter: The Movie (version arcade, qui est différente des versions PSX et Saturn), réalisé par la société américaine « Incredibles Technologies ». C’est plus délicat en ce qui concerne la conception des jeux Capcom en interne, qui n’est que très légèrement évoqué par les intervenants japonais.
Même chose en ce qui concerne certains intervenants qui n’ont que très peu de plus-value. C’est notamment le cas des joueurs « professionnels », qui n’apportent pas grand-chose si ce n’est donner parfois le point de vue du public de l’époque, ou fournir des commentaires sur les subtilités du gameplay.
Si L’Histoire officieuse de Street Fighter ne peut prétendre fournir toutes les informations sur l’histoire de la série Street Fighter, il donne un éclairage rare et précieux des réalisations des titres phares de Capcom, et même sur les grandes heures de l’arcade en général .
