Battlestar Galactica : une aventure humaine et paranoïaque dans l’espace
Il y a des jeux qui ne sont pas de simples divertissements, mais de véritables expériences. Battlestar Galactica: The Board Game en fait partie. Inspiré de la série culte du même nom, ce jeu à rôles cachés plonge les joueurs dans une lutte pour la survie où la coopération est essentielle… mais la trahison aussi. Avant de vous parler de la partie que j’ai jouée, et du test du jeu en lui-même, un retour sur l’univers de la série s’impose. Car si Battlestar Galactica est aujourd’hui un jeu légendaire, c’est aussi parce qu’il a su capturer à la perfection l’essence de l’histoire dont il s’inspire.
Une série culte sur un exil sans fin
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Battlestar Galactica, il s’agit à l’origine d’une série télévisée datant de la fin des années 70, qui a ensuite été réimaginée et modernisée dans les années 2000 à travers une nouvelle version en quatre saisons. Cette série se déroule dans un univers où l’humanité s’est développée sur plusieurs planètes, regroupées sous le nom des Douze Colonies de Kobol. Face à elle, un ennemi implacable : les Cylons.
Les Cylons sont des machines créées par les humains, à l’origine conçues pour les servir. Mais, comme toute intelligence artificielle digne de ce nom dans une œuvre de science-fiction, elles finissent par se retourner contre leurs créateurs. Après une première guerre entre les humains et les Cylons, une trêve fragile est conclue. Un accord est signé, définissant une frontière à ne pas dépasser entre les deux camps. Pendant un temps, il semble que cette paix puisse durer…
Jusqu’au jour où les Cylons décident de revenir, avec un objectif radical : l’extermination totale de l’humanité. Ils ne se contentent pas d’attaquer directement. Leur plan est bien plus insidieux : ils ont développé des modèles humanoïdes, capables d’infiltrer les sphères les plus sensibles des colonies humaines. Ces agents dormants, ressemblant à s’y méprendre à des êtres humains, sont placés stratégiquement à des postes-clés. Et lorsqu’ils reçoivent l’ordre d’agir, c’est un cataclysme.
En un instant, tout bascule. Une attaque nucléaire coordonnée réduit les Douze Colonies à néant. Les forces militaires humaines, censées protéger la population, sont paralysées par un virus informatique qui désactive les défenses des vaisseaux spatiaux. Toute la flotte humaine est anéantie en quelques instants.
Enfin… presque toute.
Le seul vaisseau à échapper au désastre est un antique cuirassé, le Battlestar Galactica. Trop vieux, trop dépassé technologiquement, il n’a pas été affecté par le virus des Cylons. C’est ce vaisseau, vestige d’une autre époque, qui devient le dernier bastion de l’humanité. Autour de lui, une poignée de vaisseaux civils parvient à fuir. Mais ce n’est pas une flotte de combat. Ce n’est pas une force de résistance. C’est un exode.
L’humanité n’a plus de planète. Plus de gouvernement. Plus d’armée. Juste quelques dizaines de milliers de survivants, traqués sans relâche par un ennemi supérieur en nombre et en puissance. Leur seule chance de salut : fuir, toujours plus loin, en espérant trouver un refuge mythique dont l’existence n’est même pas prouvée… la planète Terre.
C’est dans cette ambiance oppressante que le jeu Battlestar Galactica nous plonge.
Un jeu à rôles cachés où la confiance est une arme à double tranchant
Le jeu reprend cette dynamique avec un système de rôles cachés. Au début de la partie, chaque joueur reçoit une carte indiquant s’il est un humain ou un Cylon. La subtilité, c’est qu’il peut n’y avoir aucun Cylon au départ… ou plusieurs. L’incertitude plane. Tout le monde doit coopérer pour gérer les crises, réparer le vaisseau et protéger les derniers survivants de l’humanité.
Mais voilà : un ou plusieurs joueurs sont secrètement des Cylons. Leur but ? Saboter les efforts du groupe sans se faire repérer. Et c’est là que le jeu prend toute sa saveur. Chaque décision, chaque échec, chaque erreur soulève des suspicions. Pourquoi cette crise a-t-elle échoué ?
Parce que des crises, vous en aurez un paquet, non content d’avoir les cylons à vos trousses qui tenteront de détruire le peu qui reste de l’humanité. Vous allez aussi devoir gérer des problèmes logistiques bien plus grave. C’est ce qu’on appelle une « Crise ». Toutes les crises s’inspirent des problèmatiques rencontrées dans la série, mais elles demandent à user des talents de chacun pour les résoudre.
Car chaque personnage a des compétences spécifiques (tactique, ingénierie, politique, pilotage, commandement), et certaines couleurs de cartes sont attendues lors des tests de crise. Quand une carte inadaptée apparaît, cela réduit le score total et pénalise l’équipe. Mais qui a joué cette carte ? Et surtout pourquoi John a encore 6 cartes en mains?
Les discussions autour de la table deviennent alors de véritables interrogatoires voilés. On s’accuse à demi-mot, on observe les réactions, on essaye de décrypter les intentions. La paranoïa s’installe peu à peu.
Ajoutez à cela que les cartes ont aussi des capacités décrites et qu’elles apporter quelques indices sur « qui est qui ». Même vos personnages ont des capacités qui peuvent se réveler très intérressantes. Mixer tout cela, et vous avez le cocktail parfait pour une bonne soirée paranoïaque.
Un retournement de situation en milieu de partie
L’un des aspects les plus brillants du jeu, c’est son twist de mi-partie. À un moment précis, de nouvelles cartes de rôle sont distribuées. Certains joueurs peuvent alors découvrir qu’ils étaient en réalité des Cylons dormants, activés soudainement par leur programmation secrète.
Et c’est exactement ce qui m’est arrivé. Moi qui étais un humain loyal et irréprochable en début de partie, je me suis retrouvé… sympathisant Cylon. Le rôle le plus frustrant du jeu. Contrairement aux Cylons actifs, je ne pouvais pas vraiment saboter les efforts de l’équipe en toute discrétion. Tout le monde savait immédiatement que j’étais un traître, mais mes moyens d’action restaient limités.
Malgré cela, la partie a été incroyablement serrée. Nous, les Cylons, avons fini par l’emporter… de justesse. Ce qui n’a pas manqué d’agacer nos adversaires humains, qui pensaient pouvoir triompher.
Les stratégies de dissimulation des Cylons : du grand art
Un des aspects les plus jouissifs de Battlestar Galactica, c’est d’observer les différentes manières dont les Cylons tentent de cacher leur véritable nature. Certains jouent la carte du « maladroit », prétendant avoir fait une erreur dans leurs actions. D’autres effectuent des mouvements inutiles, comme aller combattre des vaisseaux Cylons éloignés au lieu de protéger la flotte humaine.
Mais ma stratégie préférée a été celle d’un joueur qui a simplement… refusé de jouer ses cartes. À chaque test de compétence, il annonçait qu’il n’avait rien à contribuer. Résultat ? Il gardait précieusement des cartes qui auraient pu sauver l’équipe, entraînant ainsi une succession d’échecs. Une tactique aussi simple qu’efficace, mais redoutablement frustrante pour les humains.
Un chef-d’œuvre devenu collector
Malheureusement, Battlestar Galactica: The Board Game est aujourd’hui un graal ludique introuvable. Initialement publié par Fantasy Flight Games, il n’a jamais été réédité après l’expiration des droits liés à la série. Aujourd’hui, le jeu atteint des prix délirants sur le marché de l’occasion : plus de 300 euros pour la boîte de base, et jusqu’à 1 000 euros pour une version complète avec ses extensions (dont Pegasus, qui introduit notamment la possibilité d’éjecter les traîtres dans l’espace).
Un vrai crève-cœur pour les amateurs du genre, car peu de jeux égalent la tension et l’immersion de Battlestar Galactica.
Une alternative plus accessible : L’Insondable
Pour ceux qui voudraient vivre une expérience similaire sans vendre un rein, il existe heureusement une alternative récente : L’Insondable. Basé sur les mêmes mécaniques, ce jeu transpose le concept dans l’univers de Cthulhu. À la place des Cylons, des cultistes et des créatures tentaculaires rôdent dans l’ombre, sabotant les tentatives de l’équipage pour survivre. Le jeu est conçu pour 6 joueurs, exactement comme Battlestar Galactica, et son prix avoisine les 100 euros, bien plus raisonnable que le prix délirant du jeu original.
Bien sûr, les fans de la série ressentiront toujours un manque. Rien ne vaut la tension de Battlestar Galactica, où chaque discussion autour de la table devient une scène digne d’un épisode de la série.
Un jeu qui mérite une réédition
Au final, Battlestar Galactica: The Board Game est une expérience unique. Rarement un jeu de société n’a su capturer aussi bien l’essence d’une série TV et la transformer en une mécanique ludique aussi intense.
L’ambiance de paranoïa, le stress permanent de la survie, la nécessité absolue de coopérer tout en doutant de ses alliés… Tout est parfaitement orchestré.
Merci encore à Xavier d’avoir organisé cette partie mémorable. Et qui sait, peut-être qu’un jour, je mettrai enfin la main sur un exemplaire de ce jeu mythique. En attendant, je vais essayer L’Insondable… histoire de voir si ce descendant spirituel est à la hauteur de son légendaire prédécesseur.