Hiver Nucléaire : une pépite graphique au cœur d’un hiver sans fin, mêlant humour et sarcasme

Anticipant un futur assombri par un accident nucléaire, le roman graphique Hiver Nucléaire signé CAB (alias Caroline Breault) nous entraîne dans un Québec irradié, aux paysages figés par un accident majeur à la centrale de Gentilly-3. Montréal se recouvre d’un manteau neigeux, et les jours deviennent incertains. Même les livraisons de bagels en motoneige prennent des airs de missions commando ! Ce récit d’anticipation mêle humour, sarcasme, survie et absurdité. En mélangeant tout cela, on obtient un cocktail audacieux qui bouscule les codes de la bande dessinée post-apocalyptique.

Une collection Label de qualité : Aux Confins chez les éditions Steinkis Groupe

Le livre est publié chez l’éditeur français Steinkis, dans sa nouvelle collection, le label « Aux Confins ». Ce label, lancé en 2025, se donne pour mission de sortir des sentiers battus pour captiver l’imaginaire des lecteurs. À titre d’exemple, on y découvre des récits d’anticipation, de SF, de polar, d’horreur… Chez Air-Gaming, on avait beaucoup aimé Malanotte un peu plus tôt cette année. Vous êtes passés à côté de notre article ? Séance de rattrapage : https://air-gaming.com/malanotte/

Pour Hiver Nucléaire, Steinkis a accordé une attention particulière à la qualité graphique. En effet, elle se manifeste dans le soin au détail : on note que la couverture joue sur des effets visuels. Des flocons apparaissent lorsque l’on incline l’ouvrage sous la lumière, actant le thème de l’hiver comme central dans le récit.

L’autrice-illustratrice CAB : une voix québécoise à suivre

Caroline Breault, alias CAB, est une bédéiste montréalaise formée en graphisme, qui s’est imposée dans la scène de la bande dessinée francophone grâce à un style expressif mêlant humour noir, réalisme urbain et préoccupations sociales. Elle est l’auteure de l’album Utown, récompensé par le Prix Bédélys Québec en 2023. D’après une interview donnée en 2020, CAB aime photographier Montréal, faire du vélo, et prendre de belles photos argentiques.

Une expérience de lecture intense entre survie et humour caustique

Dès les premières planches, Hiver Nucléaire impose un univers hostile. En effet, Montréal repose sous un hiver permanent, avec des rues désertes et des livraisons en motoneige de biens essentiels (bagels et médicaments… dans cet ordre). Ce décor post-apocalyptique n’est jamais anxiogène. Il est traité avec un sarcasme doux-amer, une distance ironique qui rend les personnages proches de nous.

L’héroïne, Flavie, incarne cette ambivalence : elle est livrée aux éléments, aux mutants, aux hipsters capricieux, tout en gérant les défis du quotidien avec aplomb. Une forte tête qu’on a du mal à apprécier au début, avant de découvrir son cœur d’or. La lecture d’Hiver Nucléaire, c’est un mélange d’absurde et de banal qui vous entraîne dans un voyage à la fois perturbant et drôle. Autour du thème de l’anticipation, l’omniprésence de l’accident nucléaire fait écho à la vie solitaire et rude de Flavie. Jusqu’à ce qu’un ou deux rayons de soleil éclairent son cœur et l’amènent vers un peu plus de chaleur, aux sens propres et figurés. Par ailleurs, l’humour vient parfois désamorcer l’effroi, comme lorsque des flocons de la taille d’un camion viennent aider Flavie.

Graphiquement, l’ouvrage est remarquable : les décors, les perspectives, la lumière glaciale, tout concourt à donner une atmosphère unique. La répétition des motifs de neige, de glace, de blanc contraste avec des touches de couleurs vives (les vêtements, les néons, les mutants phosphorescents) et crée un rythme visuel stimulant. On ressort de cette lecture avec un sentiment de chaleur au bout d’un tunnel teinté de froid et d’humour !